Spinoza, traduit par E. Saisset, a écrit :E1P8S2 : … Si les hommes étaient attentifs à la nature de la substance, ils ne douteraient en aucune façon de la vérité de la Propos. 7 ; bien plus, elle serait pour tous un axiome, et on la compterait parmi les notions communes de la raison. …
E2D4 : Par idée adéquate j’entends une idée qui, considérée en soi et sans regard à son objet, a toutes les propriétés, toutes les dénominations intrinsèques d’une idée vraie.
Explication : Je dis intrinsèques, afin de mettre à part la propriété ou dénomination extrinsèque d’une idée, savoir, sa convenance avec son objet.
E2P34 : Toute idée, qui est complète en nous, c’est-à-dire adéquate et parfaite, est une idée vraie.
Démonstration : Quand nous disons qu’il y a en nous une idée adéquate et parfaite, c’est comme si nous disions (par le Corollaire de la Propos. 11) qu’elle est en Dieu adéquate et parfaite, en tant qu’il constitue l’essence de notre âme ; par conséquent, c’est comme si nous disions (par la Propos. 32, partie 2) qu’une telle idée est vraie.
E2P36 : Les idées inadéquates et confuses découlent de la pensée avec la même nécessité que les idées adéquates, c’est-à-dire claires et distinctes.
E2P38C : ... Il suit de là qu’il y a un certain nombre d’idées ou notions communes à tous les hommes. Car (par le Lemme 2) tous les corps se ressemblent en certaines choses, lesquelles (par la Propos. précéd.) doivent être aperçues par tous d’une façon adéquate, c’est-à-dire claire et distincte.
E2P40 : Toutes les idées qui dans l’âme résultent d’idées adéquates sont adéquates elles-mêmes.
Démonstration : Cela est évident ; car dire que dans l’âme humaine une idée découle d’autres idées, ce n’est pas dire autre chose (par le Corollaire de la Propos. 11, partie 2) sinon que dans l’entendement divin lui-même il y idée dont Dieu est la cause, non pas en tant qu’infini, ni en tant qu’il est affecté de l’idée de plusieurs choses particulières, mais en tant seulement qu’il constitue l’essence de l’âme humaine.
Scholie I : Je viens d’expliquer la cause de ces notions qu’on nomme communes, et qui sont les bases du raisonnement. Mais il y a d’autres causes de certains axiomes ou notions qu’il serait dans notre sujet d’expliquer ici par la méthode que nous suivons ; car on verrait par là quelles sont parmi toutes ces notions celles qui ont vraiment une utilité supérieure, et celles qui ne sont presque d’aucun usage. On verrait aussi quelles sont celles qui sont communes à tous, et celles qui ne sont claires et distinctes que pour les esprits dégagés de la maladie des préjugés, celles enfin qui sont mal fondées.
E2P44C2Dm : … les fondements de la raison, ce sont (par la Propos. 38, partie 2) ces notions qui contiennent ce qui est commun à toutes choses, et n’expliquent l’essence d’aucune chose particulière (par la Propos. 37, partie 2), notions qui, par conséquent, doivent être conçues hors de toute relation de temps et sous la forme de l’éternité.
E2P43S : … il est nécessaire que les idées claires et distinctes de notre âme soient vraies comme celles de Dieu même.
E4P27 : Or l’âme (par les propos 41 et 43, part. 2, et le Schol. de la Propos. 43) ne connaît les choses avec certitude qu’en tant qu’elle a des idées adéquates, c’est-à-dire en tant qu’elle use de la raison (ce qui est la même chose par le Schol. de la Propos. 40).
E4P52 : La paix intérieure peut provenir de la raison, et cette paix née de la raison est la plus haute où il nous soit donné d’atteindre.
Démonstration : La paix intérieure, c’est la joie qui naît pour l’homme de la contemplation de soi-même et de sa puissance d’agir (par la Déf. 25 des pass.). Or, la véritable puissance d’agir de l’homme ou sa vertu, c’est la raison elle-même (par la Propos. 3, part. 3) que l’homme contemple clairement et distinctement (par les Propos. 40 et 43, part. 2) ; d’où il suit que la paix intérieure naît de la raison. De plus, l’homme, quand il se contemple soi-même, ne perçoit d’une façon claire et distincte, c’est-à-dire adéquate, rien autre chose que ce qui suit de sa puissance d’agir (par la Déf. 2, part. 3), en d’autres termes (par la Propos. 3, part. 3), de sa puissance de comprendre : et par conséquent, le plus haut degré de la paix intérieure ne peut naître que de cette seule contemplation. C. Q. F. D.
E5P4S : tout ce qui résulte d’une idée qui est adéquate dans notre âme est toujours compris d’une façon claire et distincte (par la Propos. 40, part. 2),… toute la puissance de l’âme se réduit à penser et à former des idées adéquates, comme on l’a fait voir ci-dessus (voyez la Propos. 3, part. 3).
E5P10Dm : ... l’âme a la puissance de former des idées claires et distinctes, et de les déduire les unes des autres (voyez le Schol. 2 de la Propos. 40 et le Schol. de la Propos. 47, part. 2) ; d’où il résulte (par la Propos. 1, part. 5) qu’elle a la puissance d’ordonner et d’enchaîner les affections du corps suivant l’ordre de l’entendement.
E5P12 : Nous unissons plus facilement les images des choses avec les images qui se rapportent aux objets que nous concevons clairement et distinctement qu’avec toute autre sorte d’images.
Démonstration : Les objets que nous concevons clairement et distinctement, ce sont les propriétés générales des choses, ou ce qui se déduit de ces propriétés (voyez la Défin. de la raison dans le Schol. 2 de la Propos. 40, part. 2) ; et conséquemment, ces objets se représentent à notre esprit plus souvent que les autres (par la Propos. précéd.) ; d’où il suit que la perception simultanée de ces objets et du reste des choses devra s’opérer avec une facilité particulière, et par suite que les images des choses se joindront à ces objets plus aisément qu’à tous les autres (par la Propos. 18, part. 2). C. Q. F. D.
E5P28 : Le désir de connaître les choses d’une connaissance du troisième genre ou l’effort que nous faisons pour cela ne peuvent naître de la connaissance du premier genre, mais ils peuvent naître de celle du second.
Démonstration : Cette proposition est évidente d’elle-même ; car tout ce que nous concevons clairement et distinctement, nous le concevons ou par soi ou par autre chose qui est conçu par soi : en d’autres termes, les idées qui sont en nous claires et distinctes ou qui se rapportent à la connaissance du troisième genre (voy. le Schol. 2 de la propos. 40, part. 2) ne peuvent résulter des idées mutilées et confuses, lesquelles (par le même Schol.) se rapportent à la connaissance du premier genre, mais bien des idées adéquates, c’est-à-dire (par le même Schol.) de la connaissance du second et du troisième genre. Ainsi donc (par la Déf. 1 des passions) le désir de connaître les choses d’une connaissance du troisième genre ne peut naître de la connaissance du premier genre, mais il peut naître de celle du second. C. Q. F. D.
Lettre 4 à Oldenburg : … Je suppose, en effet, qu’on n’ignore pas la différence qui existe entre une fiction de l’esprit et un concept clair et distinct, non plus que la vérité de cet axiome : que toute définition ou toute idée claire et distincte est vraie… Votre troisième objection est que mes axiomes ne doivent pas être mis au nombre des notions communes…
Lettre 12 à L. Meyer : … je m’en rapporte aux mathématiciens qui, sachant se former des idées claires et distinctes des choses, …
Lettre 37 à Bouwmeester : … il doit nécessairement y avoir une méthode par laquelle nous pouvons conduire et enchaîner nos perceptions claires et distinctes, et que l’entendement n’est pas, comme le corps, sujet aux chances du hasard. Or c’est ce qui résulte de ce seul point, savoir : qu’une perception claire et distincte ou plusieurs ensemble peuvent être cause par elles seules d’une autre perception claire et distincte. Je dis plus : toutes nos perceptions claires et distinctes ne peuvent naître que de perceptions de même espèce, lesquelles sont primitivement en nous et n’ont aucune cause extérieure. D’où il suit que toutes ces perceptions ne dépendent que de notre seule nature et de ses lois invariables et déterminées ; en d’autres termes, c’est de notre seule puissance qu’elles dépendent et non point de la fortune, je veux dire des causes extérieures, qui sans doute agissent suivant des lois déterminées et invariables, mais nous demeurent inconnues, étrangères qu’elles sont à notre nature et à notre puissance propre. Quant aux autres perceptions, j’avoue qu’elles dépendent le plus souvent de la fortune. On peut voir par là quelle doit être la vraie méthode et en quoi elle consiste principalement, savoir, dans la seule connaissance de l’entendement pur, de sa nature et de ses lois ; et pour acquérir cette connaissance, il faut sur toutes choses distinguer entre l’entendement et l’imagination, en d’autres termes, entre les idées vraies et les autres idées, fictives, fausses, douteuses, toutes celles, en un mot, qui ne dépendent que de la mémoire.
TTP6 : … les preuves tirées de la révélation, ne se fondent pas sur les notions universelles et communes à tous les hommes, …
Note 7 : … pour concevoir la nature de Dieu d’une manière claire et distincte, il est nécessaire de se rendre attentif à un certain nombre de notions très-simples qu’on appelle notions communes, et d’enchaîner par leur secours les conceptions que nous nous formons des attributs de la nature divine.
TTP7 : … dans l’étude de la nature on commence par les choses les plus générales et qui sont communes à tous les objets de l’univers, c’est à savoir, le mouvement et le repos, leurs lois et leurs règles universelles que la nature observe toujours et par qui se manifeste sa perpétuelle action, descendant ensuite par degrés aux choses moins générales ; …
TTP14 : … les fondements de la philosophie sont des notions communes, et elle-même ne doit être puisée que dans la nature, …
J'en tire, de façon me semble-t-il logique, que : idées claires et distinctes = idées adéquates = idées vraies (à la détermination extrinsèque près) = connaissance du deuxième genre (Raison) + connaissance de troisième genre (idem mais direct : science intuitive).
Notions communes de la Raison = axiomes = évidences de base universellement reconnues. Les axiomes sont l'expression de lois de base. Les propositions sont aussi l'expression de lois, mais selon l'auteur et étant moins généralement admises. Les notions communes sont claires et distinctes, et relèvent de la Raison ; elles sont donc des idées adéquates.
J'ajouterai que les notions communes et toutes les lois qui peuvent en découler (comme, selon Spinoza, ses propres propositions) sont les seules idées claires et distinctes possibles, au-delà de la réalité de la Substance, de ses Attributs, des modes éternels et de la perception d'être en acte des choses singulières (en tant que modes mais aussi en tant que singulières). Il faut cependant effectivement ajouter à ceci les idées des idées adéquates, qui sont aussi adéquates, et le ressenti pur des mouvements de l'âme. Tout ceci restant à discuter...