A Sinusix,
Vous êtes bien susceptible mon ami eu égard aux personnes absolument désincarnées que représentent nos pseudos virtuels. Si je vous ai froissé avec le « nouvellement illuminé », j’en suis désolé, telle n’était pas mon intention. Nous n’avons jamais affaire qu’à des idées ici. Quant à mon « obscure phraséologie », croyez bien que j’en suis hélas conscient et désolé. En effet, il faut du temps pour écrire clairement et synthétiquement, avec le sens de la formule juste, sur des sujets aussi difficiles, temps que je n’ai pas, mais j’espère à quelque degré être utile à quelqu’un, au moins autant que peuvent l’être ici certains pour moi.
A Louisa,
(Je commente certains de tes propos piochés, sans vraiment structurer ; je n’ai pas le temps et m’en veux déjà de me laisser prendre au jeu du forum sur des questions aussi difficiles.)
Tu n’as pas compris ce que je voulais dire sur l’idée générale, je suis allé très vite et le sujet est complexe, sans parler des équivocités et mécompréhensions qu’impliquent généralement ce type d’échanges sur des forums virtuels et les différences, quand il y en a, de langue maternelle.
« comme déjà dit, je ne crois pas que dans le spinozisme on puisse définir la singularité d'un Corps par ses parties. Les lemmes de l'E2 montrent que certaines parties peuvent quitter le Corps et être remplacées par d'autres sans que ce Corps ne change d'essence. Y aurait-il des parties non échangeables? Comment le savoir? Lorsqu'il s'agit du Corps, Spinoza semble préférer la prudence: "on ne sait pas ce que peut un Corps". Pour autant que je sache, il ne dit jamais de quoi est constituée l'essence d'un Corps humain. Puisque les lemmes en quelque sorte privilégient l'aspect purement "fonctionnel" (la communication entre parties du Corps selon un certain rapport déterminé) en tant que critère de l'individualité, j'aurais tendance à chercher de ce côté-là, raison pour laquelle j'avais dit qu'il faut peut-être voir dans quelle mesure les affections du Corps ne pourraient jouer ce rôle (ce qui constitue une essence du Corps serait alors l'ensemble des affections à un moment x, tout comme ce qui constitue l'essence de l'Esprit ce sont ses idées adéquates et inadéquates), mais cela n'est qu'une hypothèse. »
Je ne comprends pas pourquoi tu me dis tout ça.
« Remarquons que dans le spinozisme, cet énoncé n'a pas de sens, puisque jamais une idée n'a une position spatio-temporelle, et cela à cause du fait que l'espace appartient non pas à l'attribut de la Pensée mais à l'attribut de l'Etendue. »
La question est difficile, et je n’ai pas exposé le lien direct avec ce que tu disais. Pour faire vite, c’est précisément toi qui réifies l’idée, ou es victime de la tendance naturaliste ou psychologiste, au sens qu’Husserl donnait à ce terme qui désigne la tendance moderne qu’il combat dans la fondation d’une théorie de la connaissance. L’idée singulière dont je parle ici, c’est la même que celle dont tu parles, et à laquelle tu réduis systématiquement toute idée générale : c’est un mode ou affect modifiant un esprit singulier à un certain instant, soit un état interne ou une modification d’un flux de vécus. Par exemple, l’idée de cercle pensée d’une certaine façon par toi un dimanche à 21h. Cette idée est tienne, et dans l’ontologie spinoziste est conçue comme une modification instantanée de ton esprit, lui-même mode de l’attribut Pensée, etc. Cette idée singulière n’est pas l’idée de cercle générale en elle-même, le ce-qu’est-le-cercle qui est ce qui est visée par toute conscience. Elle n’est pas non plus l’idée singulière d’un cercle singulier tracé dans l’étendue. L’idée singulière comme modification d’un esprit peut par exemple viser une signification à vide sans en remplir le contenu par l’intuition ; la visée peut mal se passer, il peut y avoir toutes sortes de manquements (d’attention, de connaissance, de clarté…). L’idée qui « traverse » ton esprit, en tant qu’affect, est mêlée à plusieurs autres choses que le simple « sens » noyautique, et que nous n’allons pas analyser ici. Elle peut donc ne pas coïncider ou ne pas être adéquate avec l’idée visée qui peut être dite son « idéat ».Celui-ci peut (et c’est souvent le cas !) ne pas être vu clairement quoique prévisualisé de quelque manière.
De cette idée singulière (instanciation singulière d’un sens général pensé par un esprit singulier), qui traverse l’esprit de Louisa quand elle pense, en un certain instant, à l’idée de cercle ou d’enfant en général lorsqu’elle se dit qu’elle aimerait en avoir un, nous pouvons distinguer le sens ou contenu de sens ou idéat ou encore objet idéel de l’idée (donne lui le nom que tu veux une fois que tu en as compris le sens) : le sens idéel du cercle, que le professeur essaie de faire « passer dans » les consciences. Le contenu de sens de ce qu’est un cercle peut alors s’instancier en tant qu’il est pensé en acte, capté de manière plus ou moins parfaite par un esprit singulier (qui peut ne le percevoir que de manière mutilée, confuse, parcellaire). Un autre sens du terme « instanciation » signifie qu’une qualité spécifique ou générale est attribuée à ou décelée dans un individu ou concretum. L’humanité peut s’instancier en Louisa (quand celle-ci fait effort pour penser par elle-même et non paraphraser le texte de l’Ethique
), l’avoir-une-fossette-de-telle-forme-très-charmante est une qualité s’instanciant ou attribuée à un concretum.
Bref, on ne peut pas dire comme tu me le fais dire : « le singulier n'est qu'une instanciation du général », car le singulier, précisément en tant que singulier, n’est pas du général. On peut par contre dire que le général ne peut être pensé comme vrai ou réellement fondé qu’instancié dans du singulier (dans les deux sens de :_être pensé, visé ou validé par un esprit singulier, et _être la qualité isolée d’une chose singulière, matérielle ou idéelle), sans que cette instanciation épuise toute la plénitude d’essence, la totalité des déterminations du concretum auquel est attribué ladite détermination spécifique.
L’idée singulière visant une idée abstraite, c’est une idée-affect traversant un esprit fini (ou étant une de ses modifications) et qui a pour objet idéel (pas pour objet physique, car nous n’oublions pas, pour ne pas te perdre, la définition spinoziste de l’idée comme mode de l’esprit ayant pour objet un mode du corps du même sujet modal) un idéat : le quid visé par la conscience et qui peut consister a minima en l’idéalité d’une qualité sensible simple (le « bleu ») et très pauvre, et à plus haut degré en des unités de jugements complexes ou propositions fondées sur plusieurs représentations de degrés inférieurs. En gros, c’est de l’intentionnalité dont je te parle. Ce que tu appelles idée singulière est de l’ordre du vécu, un fragment de vécu, et le pôle noématique qui lui fait face est l’objet visé, le contenu de sens qui n’est pas un contenu réel du vécu mais un contenu « intentionnel » du vécu. Le contenu dit intentionnel n’est rien de « réel » dans l’acte ou vécu de conscience. Il est le « ce-qui-est-visé » en tant que tel. (C’est Husserl ça, c’est un peu technique, mais après pas mal d’efforts, on a de solides armes pour combattre toutes ces équivocités, confusions et obscurités qui naissent de tous ces débats portant sur l’ « idée » et ses diverses ontologisations, de la scolastique à Kant, en passant par Descartes et Spinoza).
Une autre idée singulière, qu’il ne faut pas confondre avec la première, est celle qu’est la chose singulière elle-même que nous visons, ou un de ses modes lui-même singulier visé dans sa réalité, et donc particularisant, que nous attribuons à la chose. Cette idée singulière qu’est la chose ou un de ses modes est conçue dans l’ontologie spinoziste comme corrélat sous l’attribut pensée d’un mode singulier de la chose physique sous l’attribut étendue. (Un arbre singulier a ou est aussi une idée singulière, en plus d’être une modalité de l’étendue). C’est l’idée singulière qu’est la chose singulière elle-même que nous visons (à travers une idée à nous elle-même singulière qui la prend pour objet), ou un de ses modes que nous visons comme une qualité en elle abstraite quoique particularisante, sous l’attribut pensée. Par exemple, l’idée singulière qu’ « est » l’arbre singulier de ton jardin sous l’attribut pensée (ayant pour corrélat une modification singulière de l’étendue) est distincte de l’idée singulière de ton esprit lorsque tu vises cet arbre et as pour objet son idée singulière. Entre, il y a comme une sorte d’intermédiaire : le contenu de sens « arbre », entre autres, qui te permet d’identifier l’arbre singulier de ton jardin comme étant précisément « un arbre » (quand tu penses au pommier de ton enfance dans ton jardin avec affection, tu sais que ce n’est pas une grenouille). En un sens, ce contenu de sens idéal peut-être dit s’instancier lors qu’il est visé ou capté par ton esprit. Cela signifie qu’il est pensé par toi. En un second sens, l’on peut parler d’instanciation eu égard à l’attribution de qualités abstraites à la chose singulière : « l’arbréité » peut être dite instanciée dans le pommier de ton jardin.
Voilà pourquoi je pointais cette distinction : car c’est toi qui réifies de manière privilégiée l’idée, et donc en fais un quelque chose de réel, une entité existante, bien que non physique, de la nature et ayant quelque substrat matériel ou spirituel qui le supporte (le mode-sujet existant). Ainsi quand tu dis :
« pas vraiment, je crois plutôt que les choses abstraites sont elles aussi des choses, seulement, ce sont, en tant que choses, des idées dans l'entendement humain. L'être de raison est donc un autre type de chose singulière, je dirais, que l'être physique, qui existe hors de l'entendement humain. » , ou encore :
« il y a certainement des essences de genre chez Spinoza, mais cela uniquement dans l'entendement humain, et non pas hors de lui, dans la nature. », c’est bien toi qui réifies ou spatialises l’idée. Arrives-tu à voir précisément ce que tu veux signifier quand tu dis que l’idée générale n’est que « dans » l’entendement humain. Qu’est-ce que cela veut dire ? Que ce que nous nommons « général » n’est qu’une entité singulière « située » « dans » un esprit singulier, et à ce titre n’est rien d’autre qu’un étant singulier de la nature, causé par d’autres étants (les traces impressives sur notre corps d’un grand nombre de corps semblables entre eux d’où nous abstrayons des qualités communes pour forger des idées abstraites.) Pour toi, tout ce qui peut être dit « être » ou « pensable » dans sa vérité ne peut être que singulier, et tu ne laisses aucune « place » à quoi que ce soit qui puisse être dit « général ». Non seulement la chose réelle qu’on veut connaître en lui attribuant des qualités définitionnelles n’est ni n’a rien de « général » réellement, mais même dans l’esprit de celui qui pense ladite « idée générale », il n’y a rien de général, pas même cette idée, de sorte que son flux de conscience singulier doit être dit être traversé par des idées-affects singuliers ayant parallèlement pour objet le corps et ses modifications singulières. C’est bien toi qui fait de l’idée générale une simple image ou imagination du corps, donc une trace ou impression singulière, que l’esprit, à partir de la similitude qu’il décèle entre des corps semblables, projette à tort, illusoirement, par l’imagination, comme étant une idée générale d’une qualité générale « réellement » existante « dans » la chose. Donc, comme Hume, là où nous projetons de fausses identités sur les choses (comme l’idée de causalité ou de connexion nécessaire pour lui), tu prétends décrire la genèse des idées prétendument générales en essayant de remonter aux impressions originaires et originales dont elles dérivent (sauf que tu n’essaies même pas de t’y atteler pour une idée abstraite particulière donnée, ce que s’efforce de faire tout nominaliste pour déployer son argumentaire). Si aucune impression originaire, ou sensation qui serait le fruit d’un contact réel avec la chose réelle, ne correspond à l’idée générale, c’est qu’elle est fausse, chimérique, abusive, une simple projection de l’imagination qu’il faut rectifier en amendant l’entendement. Il serait très long et difficile d’entrer dans le détail de la description de tels processus, mais disons rapidement que cela manque quelque chose de fondamental : le général en tant qu’il est visé et constitué précisément comme général par l’attention ou le regard d’une conscience.
Quant à Aristote, tu dis :
« mais si on le fait de façon aristotélicienne [définir ce qu’est l’essence], alors l'essence de Socrate est identique à l'essence de n'importe quel homme. » Relis, demande toi si tu es honnête quand tu dis ça, et si tu as lu Aristote. Un tel non-sens résulte-t-il d’une énorme confusion d’idées dans ton esprit ou dans celui d’Aristote ? Qui dit quoi, et qui se trompe aussi lourdement ici ? As-tu entendu parler de la difficile et longue histoire de traduction du terme « ousia » ?
« Chez Aristote les essences ne sont pas matérielles, ce sont les choses singulières qui le sont, au sens où elles sont toujours des "composés" d'un eidos ou essence et d'une matière. N'empêche que pour Aristote il n'y a qu'un seul eidos "homme", une seule et même essence pour chaque homme. Dans ce cas chaque chose singulière est effectivement une "instanciation" d'une généralité (d'une espèce). Ce qu'elle a de singulier par rapport à d'autres membres de la même espèce n'est dû qu'à la matière. »
C’est un peu plus compliqué… Il y a des ousia protè, substance première, l’âme même, singulière, de l’individu personnel qui anime et informe le composé (cet homme, ce cheval), et dont s’accommodera parfaitement le christianisme, avec Saint-Thomas, pour qui chaque homme est créé avec une âme absolument singulière par Dieu. Les substances qu’on peut dire secondes sont justement les espèces et genres, et ne peuvent être dites substantielles que par analogie avec le vrai modèle de la substance première, qui est l’individu concret singulier. Ce qui se prédique n’a pas le même mode d’être que celui de qui l’on prédique. Mais je n’ai moi-même guère travaillé Aristote depuis longtemps et vais me taire à ce sujet. La prochaine fois que nous en reparlerons, nous aurons toi et moi je n’en doute pas travaillé le texte.
« en effet, mais pour autant que je sache c'est exactement ce que font Aristote et la tradition aristotélicienne (dont beaucoup de théologiens contemporains de Spinoza). La distinction "essence - propriété" vient de Spinoza, et elle le rend tout à fait impossible de définir l'essence de Socrate par les propriétés que Socrate a en commun avec Platon. En cela Spinoza n'est donc pas aristotélicien du tout. » [...] « il y a certainement des essences de genre chez Spinoza, mais cela uniquement dans l'entendement humain, et non pas hors de lui, dans la nature. »
Celui qui pose des essences de genre « hors de l’entendement », « dans la nature », c’est Aristote pour toi, et que veut-on signifier par là ? Que voulons-nous dire lorsque nous disons que pour un tel les essences spécifiques sont réelles, ou dans la nature (expressions ô combien vagues et imprécises) : nous voulons dire qu’il pense trouver ses genres et espèces pensés dans la nature matérielle elle-même, comme des entités ou bouts d’entité. On veut dire que pour lui, le général est trouvé dans la matière, et existe dans l’étendue, c’est-à-dire est fait de la même étoffe que tout ce qui est dans la nature.
Quand tu dis encore
« et donc pas l'essence des Individus qui tombent sous le concept de tel ou tel genre - l'essence du genre "homme", c'est l'essence de l'idée Homme, pas l'essence de tel ou tel homme réel, en tant qu'être physique » : c’est bien toi qui prends pour synonyme de réel ici « physique », comme si le réaliste des essences s’attendait à trouver une entité physique (ou morceau d’entité) de l’Humanité. Comme s’il pensait que le général est fait d’atomes assemblés selon certaines manières, et que c’est là sa grande erreur, la grande erreur de l’imagination. La question est : pense-t-il cela ? Vise-t-il cela (à savoir : un quelque chose général en tant qu’existant réellement, dans la nature, physiquement) lorsqu’il vise une idée générale comme nous le faisons tous à tout instant, et toi même à travers chaque nouvelle proposition que tu écris ?
« Enfin, Aristote "croyait"-il que l'essence de l'homme c'est d'être un animal rationnel? Pour moi ce genre de questions n'ont pas beaucoup de sens, puisque la philosophie n'a pas grand-chose à voir avec des croyances, il s'agit d'idées. Lorsqu'Aristote parle de ce genre de définitions, il dit clairement qu'il ne s'agit là que d'un exemple. Il parle de cet exemple dans le cadre de sa théorie des définitions, et cela avant tout pour pouvoir expliquer comment il conçoit la définition en tant que telle. Par conséquent, il est difficile de savoir ce qu'Aristote "croyait" personnellement. Ce qui me semble être beaucoup plus intéressant, c'est d'essayer de comprendre quelles idées il a proposées. »
J’ai employé le terme « croire » dans la proposition « en leur prêtant la croyance en l’existence d’une réalité matérielle… » pour signifier que c’est toi même qui, faute d’avoir lu Aristote, croit qu’il croit que. Lui-même ne croit rien, il sait que seul peut être dit existant ou réel selon le sens que tu utilises l’ousia protè, l’individu substantiel premier qui ne peut être dit d’aucun sujet plus immédiat ni dans aucun sujet, mais dont on prédique des qualités.
« pas vraiment, je crois plutôt que les choses abstraites sont elles aussi des choses, seulement, ce sont, en tant que choses, des idées dans l'entendement humain. L'être de raison est donc un autre type de chose singulière, je dirais, que l'être physique, qui existe hors de l'entendement humain. »
Alors l’idée générale est réduite à n’être chaque fois qu’une chose singulière comme idée pensée à un instant t par un esprit. Elle est « une chose », d’un type « différent » de l’être physique. Et une idée singulière ayant pour objet une chose physique singulière (soit une idée non abstraite, non générale) n’est-elle pas aussi une « chose » d’un « type différent » de la chose « physique » ? Mais alors qu’est-ce qui distingue l’idée générale ou abstraite de l’idée non générale ou non abstraite ? Ne sont-elles pas toutes les deux des « idées dans l’entendement humain » ? Et n’ont-elles pas toutes les deux pour corrélat parallèle des modifications singulières du corps du sujet pensant dans l’étendue ? Ce par quoi elles diffèrent essentiellement Louisa, c’est par leur rapport à, ou visée de l’idéat, de l’objet de l’idée (à ne pas confondre, je le répète, avec l’objet « corps » du sujet pensant l’idée, soit le corrélat d’une idée donnée sous l’attribut Etendue, selon la définition spinoziste de l’idée comme mode ayant le corps pour objet). Voilà pourquoi tu n’arrives pas à penser de consistance du général : tu réifies l’idée générale pour en faire « une chose » singulière comme n’importe quelle autre idée : un état, une modification affective d’un esprit, que tu « situes » « dans » cet esprit. Or, comme ce qui fait face à l’idée, que ce soit une idée abstraite ou générale, ou bien une idée visant un objet singulier, ce ne peut être que la chose « physique », et que celle-ci est partout et toujours singulière, et que, par ailleurs, toute idée-chose est elle-même aussi toujours conçue comme une entité singulière (i.e selon le modèle de la chose physique) ayant pour corrélat un substrat physique (le corps du sujet percevant et ses modifications), alors le général n’a aucune place assignée dans quelque dimension: il n’est que projection illusoire de l’imagination. Mais ne penser que cela, c’est précisément manquer que le général subsiste au moins d’une manière : en tant qu’il est « visé », communicable et attribuable aux occurrences semblables d’une même classe. Et cela le situe plus loin que tout lieu identique.
Comme tu le vois, tout cela nécessite beaucoup de travail, mais dans un premier temps, je ne peux que te conseiller d’être plus modeste dans tes propos, moins affirmatrice, moins caricaturale, bref plus honnête. Honnêteté ici signifiant de s’efforcer de ne parler que de ce qu’on « voit intellectuellement ». Au lieu de chasser les abstractions abusives chez les autres, essaie de combattre les propres tiennes, dans chacune de tes phrases, et interroge leur mode d’apparaître. Tu éviteras ainsi beaucoup d’autocontradictions et d’imprécisions.
Je te souhaite de bonnes fêtes, ainsi qu’à tous.