Messagepar sescho » 12 nov. 2009, 19:23
Comme je l'ai dit, Spinoza ne veut pas démontrer l'existence de Dieu, mais l'existence nécessaire de Dieu (mieux dit : démontrer la nécessité dans l'existence, de Dieu.) Comment cela est-il possible ? :
- Posant (ce qui apparaît évident en général) que Spinoza ne fait pas de "définition hypothétique", savoir de définir quelque chose de laquelle il pourrait être conclu ensuite qu'elle n'est rien, il suit immédiatement qu'une définition affirme chez lui la réalité d'une essence (comme un axiome exprime une vérité universelle.) Car une définition (génétique) pose (en totalité) l'essence de la chose.
Une définition ne porte que sur l'essence, et jamais sur l'existence, qui est d'un autre ordre. Toutefois, affirmer la réalité d'une essence (en la définissant, ici), c'est forcément déjà dire qu'elle implique l'existence en quelque chose. Il n'y a plus ici que la nécessité de l'existence à démontrer.
Donc dire que Spinoza ne démontre pas l'existence de Dieu, c'est vrai, mais il faut ajouter que ce n'était pas son intention de le faire...
L'existence à un titre quelconque de Dieu est déjà contenue dans sa définition, qui est une prémisse (par extension du terme.)
Après on accepte (voit en vérité) la prémisse ou pas, et il n'y a rien à discuter là-dessus, à moins de partir d'autres prémisses et de pouvoir conclure à partir d'elles à ce sujet, si tant est qu'elles recouvrent bien le même domaine sémantique (mais Dieu se fait connaître par lui-même et pas par autre chose selon Spinoza ; il dit bien que l'idée de l'être parfait et éternel est dans tous les esprits, que l'homme à une idée adéquate de l'essence de Dieu, etc.)
Quand on accepte la prémisse (ce qui ne se discute pas, donc), on accepte aussi la démonstration de son existence nécessaire puisqu'on déduit de la définition d'une substance qu'elle existe nécessairement (notant que poser la définition de la substance implique qu'il en existe au moins une ; de la définition de Dieu on déduit qu'il n'en existe qu'une.)
Bref, le soi-disant problème de la démonstration de l'existence de Dieu n'en est pas un : soit on accepte sa définition non hypothétique, et donc son existence à quelque titre que ce soit, soit on ne l'accepte pas.
Sur la nature de Dieu, vous demandez de ne pas se servir de la définition de Spinoza, mais vous semblez vouloir y substituer la vôtre... Même sans aller jusqu'au barbu assis sur un nuage : un esprit humanoïde personnel mais surhumain, qui se confronte aux humains ?!!! C'est le Père-Noël, cela...
Le Dieu de Spinoza apparaît en fait très proche du Brahman hindou : c'est avant tout l'Être, et d'abord l'être sans forme (Brahman non qualifié ; Nature naturante) avant d'être l'être avec forme (Brahman qualifié, énergie cosmique, Ishwara, danse de Shiva ; Mouvement-Repos). C'est la Nature. Si on lit simplement Spinoza, ce n'est que la Nature naturante. Mais comme la Nature naturée est en la Nature naturante, ne peut être ni se concevoir sans elle et n'est rien en dehors d'elle, et ce de toute éternité, elle en est simplement la manifestation indissociable.
Note : pour autant Dieu est quand-même ultimement la Nature naturante et celle-ci peut se percevoir, soit dans la conscience pure sans pensées (au seul sens de "mouvements") - qui est vécue durablement par les grands sages, et par tout le monde par instants - soit même dans la conscience de l'Etendue prise en elle-même (on peut éventuellement dire : dans la clarté du concept de matière-volume pris en lui-même.) Le mode ne peut se concevoir sans substance, mais la substance peut se concevoir sans mode. Tout est en Dieu mais rien n'est Dieu sauf Dieu lui-même (c'est pourquoi l'Etendue ne fait pas partie de l'essence des corps, de même que la Pensée ne fait pas partie de l'essence des idées, mais tous les corps sont dans l'Etendue et toutes les idées sont dans la Pensée.) Le Sage distingue la Nature naturante de la Nature naturée, mais les associe en même temps intimement en ce que la seconde est la manifestation de la première. Cette dernière seule est cependant vue immuable et toujours présente partout (même si on pourrait dire la même chose de l'énergie cosmique, ou Mouvement, cela reste relatif en quelque chose, ne serait-ce que la perception fugace du pur repos.)
Connais-toi toi-même.