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Questions et débats touchant à la conception spinozienne des premiers principes de l'existence. De l'être en tant qu'être à la philosophie de la nature.
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hokousai
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Messagepar hokousai » 18 déc. 2012, 10:17

à Explorer

Oui Hokusai, et pourtant il y a bien chez Spinoza l'idée d'une essence singulière de chaque chose ('simple ou complexe) qui détermine les rapports singulier de cette chose, essence singulière qui est un degré de puissance du Tout, de la Nature, du Cosmos, de Dieu donc.


Je suis d'accord.
Mais savoir que chaque chose a une essence ( qu' elle est un mode précis ) ne signifie pas que nous puissions avoir une idée précise de ce qu' est la chose singulière. Et en fait nous n' avons que des imaginations (des essences imaginaires) des étants singuliters à l'extérieur de nous et même de notre coprs .
De mon point de vue Spinoza ne parle pas avec la conn du 3eme genre d' un accès intuitif à un contenu définitionnel de ce qu'est telle chose singulière. Il n' y a pas de platonisme et de sortie de la caverne pour une contemplation directe et intuitive des idées.
Je ne connais pas mieux "intuitivement" l'essence d 'une chose singulière que intellectuellement et beaucoup moins bien que sensoriellement . Spinoza suit toute latradiiton scolastique qui veut que l'intellect connaisse mieux que les sensations.

Où est donc l'essentialité si elle n'est pas dans la durée et le temps ?
Il est de l'essence de toutes chose singulière d' être nécéssaire, ce qui la fait échapper au temps et lui confère une certaine éternité.
De mon point de vue c'est ce dont Spinoza parle dans la 5eme partie.
Il ne dit jamais que intuitivement je vais connaitre l' essence de mon corps au sens ou cette essence serait celle d'une substance prédicable par certaines propriétés essentielles. Il n y a aucune chance de voir mieux mon corps comme sous mescaline, ou morphine, que sais -je d'extra sensorialité non commune.

Comprendre la nécésité des choses singulières cela ne demande pas des années.
Il ne faut pas plus d'années qu'il ne faut pas plus de temps à un enfant pour juger intuitivement de la quatrième proportionnelle, passer de de 1/2 à 2/4. Spinoza donne un exemple des plus communs pour faire comprendre la conn. du troisième genre.

Cela dit pour les choses singulières.
............................................................

Est- ce qu'il suffit de comprendre la nécessité des choses ?

C' est là qu'il y a un basculement et quelque chose de stupéfiant comme effet. Il y a un basculement traditionnellement mystique. C' est cet amour ou béatitude qué on appelle GLOIRE dans les livres sacrés.
Spinoza veut rationaliser ce rapport mystique. Il veut l' expliquer et estime que la compréhension a un effet. ce rapport mystique doit être un rapport de raison. C' est une idée claire et distincte qui doit en être la cause .

Ce que Spinoza dit c'est que cette conclusion que tout dépend de Dieu selon l'essence et l'existence ( ce qu'il a démontré dans la première partie ), cette conclusion n'affecte pourtant pas autant l'esprit que quand on le tire de l'essence même d une chose singulière quelconque que nous disons dépendre de Dieu .

Spinoza justifie l 'amour contant et éternel envers Dieu par une idée très simple : nous nous disons qu'une chose singulière quelconque dépend de Dieu.
Il semble donc que pour Spinoza cela suffise .

hokousai

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Spinoza, la matrice

Messagepar Explorer » 18 déc. 2012, 15:26

Bonjour Hokusai. deux choses me gênent dans ce que vous dites.
D'abord, j'ai du mal à saisir ce que vous entendez par essence d'une chose singulière. Pour tout dire, cela n'est guère étonnant que nous ne tombions pas d'accord sur ce point. En l'ocurence, j'ai mis du temps à me positionner sur ce sujet et ai consacré presque un chapitre entier, 30 pages, (Chap 5 : Dans les entrailles des essences-puissances) de mon ouvrage où je chemine pas à pas vers ce que peut bien être une essence-puissance pour Spinoza. Vous avez probablement passé du temps également à y réfléchir et pourtant nous ne sommes pas sur la même longueur d'onde.
Je vous donne ici à lire la première page du chapitre dont je vous parle plus haut :

Dans les entrailles des essences – puissances


1 - Mort et éternité

Le temps limité de mon existence est celui durant lequel des ensembles infinis de particules élémentaires m’appartiennent, c’est-à-dire effectuent mon rapport singulier (subsumant tout un ensemble de sous-rapports singuliers). Ainsi, lorsque je meurs, mon rapport singulier cesse d’être effectué car les ensembles infinis de particules élémentaires quittent mon corps pour aller effectuer d’autres rapports. Pour autant, ce qui disparaît avec la mort c’est l’effectuation du rapport, non le rapport lui-même, et encore moins l’essence qui le détermine. Il y a une consistance de l’essence et du rapport indépendamment de savoir si le rapport est effectué. On l’a vu, dx/dy = z, ou z est indépendant des termes du rapport, il subsiste même quand les termes tendent vers 0 (quantités évanouissantes).
Mon essence et mon rapport existent donc (existence réelle, physique) quand mon corps n’existe pas encore ou n’existe plus. Autrement dit, l’existence de mon essence singulière est distincte de l’existence de mon corps. Spinoza dit que les modes ont d’une part une existence durante (transitoire), et d’autre part une existence immanente en tant qu’ils sont compris dans l’attribut. La question se pose évidemment ici de savoir en quoi cette existence immanente éternelle est différente de l’âme immortelle des théologiens. Nous avons déjà tous les éléments de réponse.
La question n’est pas de savoir si l’âme survit au corps, Descartes dira qu’il en est certain, le problème est plutôt de savoir sous quelle forme. Et là, ça coince pour tous ceux qui ont étudié sérieusement la question (de Platon à Descartes), car cette immortalité de l’âme passe immanquablement par le problème d’un avant de l’union de l’âme et du corps et d’un après l’union. Impossible donc de l’appréhender ou même de la concevoir autrement que dans son rapport au temps.
Spinoza, lui, ne pose pas du tout le problème ainsi. Pour lui, ce n’est pas du tout un avant et un après mais un en même temps que. Cela signifie que c’est en même temps que je suis mortel et que j’expérimente que je suis éternel. Jusque là, on pourrait en dire autant de l’âme, sauf que Spinoza avec son essence éternelle résout le problème du : « sous quelle forme avant l’union et après l’union l’âme survit-elle au corps ? » En effet, l’expérience que je fais de mon éternité ne regarde ni de près ni de loin le temps qui passe : l’éternité, on le sent, est sur autre plan que celui du temps (auquel appartient en revanche l’immortalité). Mais alors, qu’est-ce qui, chez Spinoza, ne relève pas du temps ? Ce ne sera pas mes ensembles infinis de particules élémentaires. Celles-ci, je les possède dans la durée. Reste donc ce dont nous avons déjà un peu parlé, qui n’est pas quelque chose que je possède dans la durée (mon corps et ses ensembles infinis…) mais quelque chose que je suis, une partie intensive de Dieu, un degré de puissance de Dieu. L’essence est une partie intensive de Dieu. Je ne peux faire l’expérience de mon éternité que sous une forme intensive. Ce n’est pas que « je sais » que suis éternel, non, c’est : « je fais » l’expérience que je suis éternel. Avec Spinoza, on est sur le plan du vécu, pas de la supputation.
Quand puis-je dire que j’expérimente que je suis éternel ? La réponse est claire : dès lors que je forme idées adéquates du deuxième et troisième genre. Ça commence avec les notions communes et les affects actifs de joie (affect ou sentiment dont je suis la cause). Je viens, par exemple, de trouver du sens dans un paysage que j’observe depuis un moment, je viens de former une notion commune, je suis affecté de joie, c’est une auto-affection, un affect actif. Il y a déjà, dans cette façon de saisir l’implicite des choses, une sensation d’éternité. Ce qui est éternel c’est ce qui en moi peut saisir cet implicite qui m’est offert (offert au sens de : une chance qui m’est offerte, une chance que d’une certaine façon je m’offre moi-même, et aussi, plus largement, que la substance, la Nature s’offre elle-même à travers moi). Ce qui est éternel c’est ce que je peux, c’est ma puissance. Quand j’ai compris cela, je m’efforce de conduire ma vie de sorte que je parvienne à former le plus possible de notions communes, et ce, pour accéder au "switch on" des idées d’essence. C’est ainsi que je le comprends : le passage de « je ne forme pas d’idées d’essence » à « j’en forme une » (c’est à dire toutes) correspond à une sorte de "switch on", à un allumage de boosters internes. Où ces fusées internes peuvent-elles nous amener ? Spinoza n’en parle que très peu. Au minimum, ces idées d’essence font accéder à une sensation d’éternité encore plus vaste que celle inhérente aux notions communes, car elles sont un cran au-dessus dans la chaîne des causes et des effets. Mais là n’est pas le plus important, car le problème majeur, c’est l’actualisation de ma puissance, de mon essence, de mon éternité en somme. Tant que je n’actualise pas mon essence en formant des idées adéquates du deuxième et troisième genre de connaissance, c’est la plus grande partie de moi-même qui meurt lorsque la mort me frappe.

Quelques remarques sur ce que vous dites :

Vous écrivez :
Il ne faut pas plus d'années qu'il ne faut pas plus de temps à un enfant pour juger intuitivement de la quatrième proportionnelle, passer de de 1/2 à 2/4.

Vous parlez ici d'un être mathématique et je suis bien placé pour vous dire qu'un enfant ne passe pas intuitivement de 1/2 à 2/4, en effet s'il parvient à saisir l'identité des deux rapports, c'est qu'il a construit ce que nous appelons une micro-compétence, et c'est en proposant des situations problème faisant appel au raisonnement que l'on amène les élèves à construire cette capacité à reconnaître, plus généralement une situation de proportionnalité. Pour moi, il n'y a rien d'intuitif là-dedans, sauf à imaginer une intuition là où il n'y en a pas (ce qui peut en effet se produire lorsqu'on a oublié comment l'on a appris).
Il ne faut donc pas confondre le sens commun où chacun à l'intuition de ceci ou de cela alors qu'il ne s'agit que du fruit d'un raisonnement infraconscient, ET le sens qu'à mon avis Spinoza lui confère, à savoir un mode de connaissance qui n'a absolument rien à voir avec la raison, avec l'intellect. Si nous ne nous entendons pas sur ce point, c'est que précisément je pense que de cette connaissance intuitive, Spinoza ne souhaitait pas en dire beaucoup, car à mon avis l'Ethique est un mode d'emploi du réel pour conduire son existence, et actualiser sa puissance. Spinoza ne pouvait être dupe, il savait que bien peu de gens pourraient y parvenir (sur ce point aussi j'ai écris tout un chapitre : problèmes de volonté de comprendre et de capacité à comprendre, le premier relevant de ma puissance, moins elle est élevé ou indurée et moins ma volonté de comprendre est grande, ce qui va de soi lorsqu'on se souvient que ma volonté de comprendre n'est autre que la volonté de ma puissance, ou pour le dire autrement, c'est en fonction de ma puissance que je veux ceci ou cela)
En outre, ce n'était l'objet de l'Ethique d'exposer longuement ce qu'il nous revient individuellement de découvrir en s'y conformant. La cinquième partie parle entre les lignes, elle parle de vitesse notamment, toutes les démonstrations vont beaucoup plus vite que dans les autres parties, comment prendre cet indice sinon comme l'annonce d'un changement de rythme dans la compréhension de notre éternité (mais ce changement de ryhtme n'est qu'indice et pas explication en détail de ce que, de toute façon, il n'est pas possible de mettre en mots)
Pour ma part, l'intuition, la connaissance intuitive
Vous écrivez :
"Spinoza suit toute latradiiton scolastique qui veut que l'intellect connaisse mieux que les sensations."
Je ne partage pas du tout cet avis. Au contraire, Spinoza n'aura de cesse de réunifier ce que d'autre avant lui ont séparé, à savoir corps et esprit. Corps et esprit ne sont qu'une seule et même chose, je ne vous l'apprend pas, et la conséquence pratique de cela c'est qu'il n'est aucune idée que nous formons qui ne soit le reflet dans l'attribut de la pensée de ce que notre corps peut dans l'attribut de l'étendue.

Vous écrivez :
"Spinoza veut rationaliser ce rapport mystique. Il veut l' expliquer et estime que la compréhension a un effet. ce rapport mystique doit être un rapport de raison. C' est une idée claire et distincte qui doit en être la cause"
Effectivement il n'y a rien de mystique chez Spinoza, cela n'empêche en rien qu'une idée d'essence soit une idée claire et distincte et qu'elle ne soit accessible que par un mode de connaissance intuitive (je ne vois pas pourquoi on ne pourrait pas saisir intuitivement une idée claire et distincte, si tant est que nous soyons en position de le faire bien sûr, ce que vous semblez mettre en doute, me semble-t-il, en prétendant que seule la raison peut permettre de dénicher une idée claire et distincte. Je me répète, mais les choses sont ce qu'elles sont, et notre façon de les comprendre, si elle doit d'abord en passer par la raison, peut, à l'horizon d'un certain degré de possession de ma puissance, en passer par un mode plus rapide, plus direct, la connaissance intuitive.
A bientôt, nécessairement.
JPC

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Messagepar Vanleers » 18 déc. 2012, 20:16

A Explorer
Bonjour
Vous écrivez :
« Pour autant, ce qui disparaît avec la mort c’est l’effectuation du rapport, non le rapport lui-même, et encore moins l’essence qui le détermine. »
Comment analysez-vous le cas du poète espagnol dont parle Spinoza en E IV 39 sc. ?
Avant sa maladie, s’effectuait un rapport R, après sa maladie un rapport R’.
R’ est-il différent de R ou identique à lui ?
Spinoza admet d’abord que la mort d’un individu puisse survenir sans que celui-ci soit changé en cadavre. Dans ce cas, l’individu d’avant la maladie serait mort en laissant la place à un autre individu : R’ serait différent de R.
Spinoza évoque ensuite le passage du bébé à l’état adulte. Il écrit :
« Leur nature [celle des bébés], un homme d’âge avancé la croit à ce point différente de la sienne qu’il ne pourrait jamais se persuader d’avoir été bébé s’il n’en faisait d’après les autres la conjecture pour lui-même » (Pautrat).
Misrahi débute la traduction par : « Leur nature semble, à un adulte, si différente de la sienne […] »
Ceci peut se comprendre en disant que, selon Spinoza, c’est à tort qu’un adulte envisagerait une différence de nature entre le bébé et l’adulte qu’il est devenu : R’ serait identique à R.
Qu’en pensez-vous ?
Bien à vous

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Messagepar hokousai » 19 déc. 2012, 00:02

à Explorer
Explorer a écrit :]Mais alors, qu’est-ce qui, chez Spinoza, ne relève pas du temps ? ..... mais quelque chose que je suis, une partie intensive de Dieu, un degré de puissance de Dieu. L’essence est une partie intensive de Dieu. Je ne peux faire l’expérience de mon éternité que sous une forme intensive. Ce n’est pas que « je sais » que suis éternel, non, c’est : « je fais » l’expérience que je suis éternel. Avec Spinoza, on est sur le plan du vécu, pas de la supputation.


je ne partage pas cette interprétation deleuzienne de Spinoza.

1) il me semble que "partie intensive" ne fasse pas partie du vocabulaire de Spinoza mais bien de celui de Deleuze.

2) Sous le concept de durée nous ne pouvons que concevoir l'existence des modes (lettre 12)
les modes même de la substances ne pourront jamais être connus droitement , si on les confonds avec des êtres de i'imagination(lettre 12)
Or c'est ce que fait Deleuze, le mode est pour lui une partie extensive de la substance .
Pourtant sur l'éternité au contraire aucune de ces opérations ( diviser en parties ) ne peut être conçu.( voir lettre 12)
Et dans la cinquème partie il s'agit de l' ETERNITE.
........................................
Quoi de mon corps participe de l' ETERNITE ?
et bien , exclusivement, la NECESSITE et sous la forme de l'idée de l'essence de mon corps.
L'éternité est l' essence même de Dieu en tant qu'elle enveloppe l' existence nécéssaire(prop 30/5)

je cite la démonstration de la prop 29/5
Le concept d' essence y est minoré. Remplaçons "essence" par "ce qu'est" et on sort de l'essentialisme Deleuzien.

traductions de Saisset
"Démonstration : L'âme en tant qu'elle conçoit l'existence présente du corps, conçoit la durée, laquelle se détermine dans le temps, et elle n'a, par conséquent, que le pouvoir de concevoir les choses en relation avec le temps (par la Propos. 21, part. 5 et la Propos. 26, part. 2). Or, l'éternité ne peut se déterminer par la durée (en vertu de la Déf. 8, part. 1 et de l'Explication qui la suit). Donc l'âme, sous ce point de vue, n'a pas le pouvoir de concevoir les choses sous le caractère de l'éternité ; mais comme il est de la nature de la raison de concevoir les choses sous le caractère de l'éternité (par le Coroll. 2 de la Propos. 44, part. 2), et qu'il appartient aussi à la nature de l'âme de concevoir l'essence du corps sous le caractère de l'éternité (par la Propos. 23, part. 5), et comme enfin, hormis ces deux choses, rien de plus n'appartient à l'essence de l'âme (par la Propos. 13, part. 2), il s'ensuit que cette puissance de concevoir les choses sous le caractère de l'éternité n'appartient à l'âme qu'en tant qu'elle conçoit l'essence du corps sous le caractère de l'éternité. C. Q. F. D."

..............................................................
sur le sentir et faire l 'expérience que nous sommes éternels
au scolie prop 23/5

La démonstration qui précède dit:
"Il y a nécessairement en Dieu (par la Propos. précéd.) un concept ou une idée qui exprime l'essence du corps humain, et cette idée, par conséquent, est nécessairement quelque chose qui se rapporte à l'essence de l'âme (en vertu de la Propos. 13, part. 2). Or, nous n'attribuons à l'âme humaine aucune durée qui se puisse déterminer dans le temps, si ce n'est en tant qu'elle exprime l'existence actuelle du corps, laquelle se développe dans la durée et peut se déterminer dans le temps ; en d'autres termes (par le Coroll. de la Propos. 8, part. 2), nous n'attribuons à l'âme une durée que pendant la durée du corps. Toutefois, comme ce qui est conçu par l'essence de Dieu avec une éternelle nécessité est quelque chose, ce quelque chose, qui se rapporte à l'essence de l'âme, est nécessairement éternel (par la Propos. précéd.). C. Q. F. D."


Je souligne une idée et avec une éternelle nécessité. Ce qui est conçu là avec une éternelle nécessité c'est l'idée qui exprime l' essence du corps humain, pas plus pas moins.
Ce n'est pas le corps humain qui est éternel ni même son essence mais l'idée de son essence. Dieu a une idée de ce qu'est telle chose et pas une idée de son existence. Une idée de l'essence ce n'est pas l'essence, l' essence n'advient que quand l'existence advient .

La démonstration qui précède est rationaliste. De plus juste après avoir dit que nous sentons et faisons l'expérience que nous sommes éternels , Spinoza fait l'éloge des démonstrations (les yeux de l'esprit ). Il y a sans doute un expérience " mystique " chez Spinoza mais il ne l'exprime pas. Spinoza reste rationaliste jusqu 'au bout .Autant que sa puissance de penser le peut.

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Messagepar hokousai » 19 déc. 2012, 00:23

Explorer a écrit :"Spinoza suit toute latradiiton scolastique qui veut que l'intellect connaisse mieux que les sensations."
Je ne partage pas du tout cet avis. Au contraire, Spinoza n'aura de cesse de réunifier ce que d'autre avant lui ont séparé, à savoir corps et esprit. Corps et esprit ne sont qu'une seule et même chose, je ne vous l'apprend pas, et la conséquence pratique de cela c'est qu'il n'est aucune idée que nous formons qui ne soit le reflet dans l'attribut de la pensée de ce que notre corps peut dans l'attribut de l'étendue.


Oui certes, mais toute la partie 3 et une partie de la 4 sont placées sous le signe de l'imagination.

D 'autre part dans la tradition scolastique
"Nihil est in intellectu quod non prius in sensu" ( rien n'est dans l'intellect qui n'ait d'abord été dans les sens ».

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Messagepar Explorer » 19 déc. 2012, 18:30

Bonsoir Hokusai. Je tiens à vous dire que je suis très heureux de converser avec vous. Si, quelquefois je mets du temps à répondre, sachez que je fais au mieux et désolé d'avance pour la période des fêtes qui s'annonce pour moi plutôt chargée...

1- Vous dites : "Or c'est ce que fait Deleuze, le mode est pour lui une partie extensive de la substance."
Je ne crois pas que Deleuze (dont vous aurez compris qu'il est mon maître à penser après Spinoza) considère le mode comme partie exclusivement extensive de la substance, ni pour ce qui est des modes finis et encore moins pour les modes infinis. je rappelle qu'un mode fini est composé d'ensembles infinis comprenant chacun infinité de particules simples, lesquels ensembles s'agglomèrent suivant des rapports et in fine en un rapport singulier, lequel enfin est déterminé par une essence singulière::::::::si vous suivez le fil qui part de l'essence, vous ne pouvez que sentir ce qui est éternel et ce qui ne l'est pas (ce qui est provisoire, passager, à savoir le mode existant avec ses particules organisées selon son rapport singulier)::::::il y a donc dans un mode donnée de l'éternel (essence et rapports) et du provisoire (le fait que parmi les infinités d'ensembles infinis de particules simples, il y en ai qui vont constituer mon corps par exemple pour un temps donné, après quoi, les particules simples étant éternelles elle aussi, elles iront en constituer un autre).
Quant à intensif = puissance, ça c'est deleuzien en effet. Mais après tout, Spinoza était mathématicien et donc, physicien (le contraire n'est pas vrai).


2 - Vous citez : "Il y a nécessairement en Dieu (par la Propos. précéd.) un concept ou une idée qui exprime l'essence du corps humain, et cette idée, par conséquent, est nécessairement quelque chose qui se rapporte à l'essence de l'âme..."

Je ne vois point ici de contradiction avec ce que j'ai dit avant. Vous dites que seule l'idée de l'essence existe, et je vous réponds que si tel était le cas, Spinoza ne se serait pas privé de le dire, or, vous en conviendrez, ce n'est pas ce qu'il dit là :
"Il y a nécessairement en Dieu (par la Propos. précéd.) un concept ou une idée qui exprime l'essence du corps humain, et cette idée, par conséquent, est nécessairement quelque chose qui se rapporte à l'essence de l'âme..."
Ce que je lis moi ici c'est : il y a en Dieu une idée qui EXPRIME l'essence du corps humain, et puisque c'est une idée, et que nécessairement elle s'exprime dans l'attribut pensée, alors cette idée d'essence d'un corps humain donné se rapporte à ce que, d'un corps humain, est envisagé sous l'attribut de la pensée, à savoir l'ESPRIT.
CQFD

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Messagepar Explorer » 19 déc. 2012, 18:52

A Vannieers.
Bonsoir, et désolé de n'avoir pas répondu plus tôt.
La question que vous posez est très largement développée dans l'ouvrage cité par-ci par-là dans mes posts. je vous en livre le teneur essentielle : NON ce n'est pas le même rapport. Tout simplement parce dans un rapport singulier, on peut distinguer (uniquement pour y voir plus clair, sorte de dissection du rapport)
Extrait de "Spinoza, la matrice", l'Harmattan, nov.2012, Jean-pascal Collegia

Qu’est-ce que le rapport singulier d’un corps ?

Plus un corps est complexe, plus élevé est son degré de singularité. Dans le cas d’un être vivant, à fortiori dans le cas des êtres humains, ce degré de singularité est double. Spinoza ne pouvait deviner l’essor qu’allaient prendre les sciences humaines et en particulier la psychologie, de la psychanalyse à la neuropsychologie en passant par la psychophysiologie. Compte tenu de ces apports, Spinoza aurait certainement dit lui aussi que le degré de singularité était double. C’est qu’en effet, la singularité d’un existant joue non seulement sur le plan des lois universelles qui régissent la structure de l’organisme, le squelette, les muscles, les organes, le système nerveux etc. (lois de structure), mais également sur celui des "lois neuronales" de la psyché (lois de fonctionnement des structures). La plasticité du système nerveux n’est plus à démontrer et en particulier dans le jeune âge d’un individu. Les expériences vécues façonnent véritablement les circuiteries nerveuses, stabilisant certains réseaux neuronaux, en laissant dépérir d’autres non sollicités. Or, à chaque fois que le système nerveux est modifié, est sculpté par l’expérience, ce sont des centaines de milliers de mes neurones qui quittent les rapports sous lesquels ils appartenaient au cortex frontal de mon cerveau par exemple, pour aller se composer suivant de nouveaux rapports dans ce même cortex frontal. Le rapport singulier global de mon cerveau s’en trouve modifié et mon rapport singulier tout court également. Et, ce qui importe ici, c’est que les combinaisons neuronales ainsi obtenues relèvent d’un nouveau rapport, un nouveau rapport différentiel système nerveux qui tend vers une nouvelle limite : le nouveau cerveau singulier de l’individu. Car c’est toujours un nouveau rapport qui détermine le nouveau cerveau, c’est-à-dire qui résume cette nouvelle façon qu’ont les neurones d’appartenir à ce cerveau. Enfin, non seulement tout cela se passe à chaque instant, tout cela est toujours en devenir, puisque tout, dans le système spinoziste, est dynamique, mais par ailleurs, ces évolutions du cerveau singulier d’un individu correspondent toujours à une évolution de ce qu’il peut puisqu’un corps, quel qu’il soit, n’est jamais rien d’autre que ce qu’il peut. Par là, je veux dire que ces évolutions sont des évolutions de puissance, puisque ma puissance c’est ce que je peux en acte et en pensée. Par là, je veux aussi suggérer que quelque chose dans mon essence singulière détermine ces évolutions de mon rapport singulier. Nous verrons plus loin de quoi il s’agit.
Ainsi donc, la première singularité du rapport singulier selon lequel des ensembles infinis de particules élémentaires m’appartiennent, est due aux lois physico-biologiques qui font déjà de moi une unité biologique humaine unique, bien que proche des autres eu égard à un patrimoine génétique quasi identique. La deuxième singularité de mon rapport singulier correspond à la façon dont mes expériences, mes rencontres avec d’autres corps, vont sculpter suivant des lois neuropsychiques bien précises, ce qui en moi se prête au façonnage, c’est-à-dire mon système nerveux.
L’une et l’autre des singularités ne se confondent pas, mais en revanche les lois de structure englobent, enveloppent, celles de fonctionnement. Si je les distingue, c’est que dans le rapport singulier d’un corps doué d’entendement, on ne peut laisser sous silence un sous-ensemble de lois dont l’influence est si importante sur l’individu. On peut même avancer que la part la plus importante de la singularité de l’individu dépend de ce que les combinaisons de lois neuropsychiques vont permettre de sculpture dans le système nerveux, lequel, siège de réorganisations neuronales permanentes, stabilise peu à peu des schémas neuronaux (neurones organisés sous certains rapports) aux qualifications les plus variées qui vont de l’augmentation des capacités mentales à celles qui confèrent un profil psychologique particulier.
Encore une fois, le doublon dans la singularité du rapport global d’un individu, n’en est pas un. Il s’agit seulement ici de donner de l’importance à une catégorie de lois (les lois de fonctionnement de la psyché) qui de toute façon n’existent que parce que les structures neuronales existent. Tout ceci n’est en rien contraire à ce que dit Spinoza puisque c’est toujours l’expérience vécue (mon corps interagissant avec le monde) qui forge la singularité de l’individu. La différence, c’est qu’il faut distinguer, à l’intérieur même de la singularité des rapports différentiels physico-biologiques, une singularité des rapports neuro-psychologiques, et ce, pour insister sur l’importance de ces derniers quant à la singularité globale de l’individu.

Je sais que ne vous ai livré qu'une partie de la réponse, un NON, donc, mais que je n'ai pas totalement expliqué pourquoi NON. J'avoue que j'espère que vous irez chercher la réponse dans l'ouvrage sus-cité.
JPC

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Messagepar Vanleers » 19 déc. 2012, 20:18

A Explorer
Je vous remercie pour votre réponse qui, pour l’essentiel, consiste en un extrait de votre livre qui ne répond pas à la question posée.
J’essaie donc de la reformuler brièvement.
Y a-t-il eu, dans le cas du poète espagnol que cite Spinoza, une telle modification de son rapport singulier que nous devons dire qu’il en est mort et qu’est alors apparu alors un autre individu ?
En transposant vos expressions :
« Avant sa maladie, les ensembles infinis de particules élémentaires appartenaient au poète, c’est-à-dire effectuaient son rapport singulier (subsumant tout un ensemble de sous-rapports singuliers). Ainsi, lorsqu’il est mort de sa maladie, son rapport singulier a cessé d’être effectué car les ensembles infinis de particules élémentaires ont quitté son corps pour aller effectuer un autre rapport singulier qui a constitué un autre individu. »
Bien à vous

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Messagepar Vanleers » 19 déc. 2012, 21:09

A Explorer et Hokusai
J’ai lu vos derniers échanges et je me permets de vous faire part, au passage, de questions pour lesquelles je n’y vois pas très clair.
1) L’essence ne relève-t-elle pas de l’attribut pensée ?
Commentant la définition qu’en donne Spinoza (E II déf. 2), Misrahi écrit :
« Dans le cadre du spinozisme, il faut entendre par « essence » la définition d’une chose. Plus précisément, la définition de cela qui, exclusivement, fait qu’une chose est ce qu’elle est et existe comme elle existe » (100 mots sur …)
L’idée de l’essence du corps serait donc une idée d’idée.
2) En E V 23, et en se référant à E II 13, Spinoza écrit que l’idée qui exprime l’essence du corps humain appartient à l’essence de l’esprit humain.
Ne pouvons-nous pas remplacer cette dernière expression : « esprit humain » par « idée du corps humain ».
Si oui, nous aurions alors la formule :
« L’idée de l’essence du corps humain appartient à l’essence de l’idée du corps humain ».
Ce que je ne comprends pas car je ne vois pas comment, à propos du corps humain se justifie cette commutativité : l’idée de son essence appartient à l’essence de son idée.
Merci pour tout éclairage éventuel.

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Messagepar hokousai » 19 déc. 2012, 22:24

à Explorer je vais me concentrer sur ceci
explorer a écrit :je rappelle qu'un mode fini est composé d'ensembles infinis comprenant chacun infinité de particules simples, lesquels ensembles s'agglomèrent suivant des rapports et in fine en un rapport singulier, lequel enfin est déterminé par une essence singulière::::::


Sur l'infinité de particules simples

le lemme 1\2 dit :
Spinoza a écrit : Les coprs se distinguent sous le rapport du mouvement et du repos, de la rapidité et de la lenteur mais pas sous le rapport de la substance

la demons. renvoie au scolie Prop 15/
Spinoza a écrit :1Puis donc qu'il n'y a pas de vide dans la nature (comme on le verra ailleurs) et que toutes les parties doivent concourir de façon que le vide n'existe pas, il s'ensuit que ces parties ne peuvent pas se distinguer réellement, c'est-à-dire que la substance corporelle en tant que substance est indivisible.

......................................................................
Sur la détermination par l'essence singulière, je voudrais des références précises.
Spinoza écrit ceci
dans partie 1: une chose qui est déterminée à opérer y a été déterminée par Dieu( prop26/1)
dans partie 2 : Un corps est une manière qui exprime de manière précise et déterminée l'essence de Dieu en tant qu' étendue.

Spinoza n'est pas d'une cohérence absolue sur l 'essence : alnsi dans ce passage l 'essence n'est pas singulière.( scolie prop 17 /1)

Spinoza a écrit : par exemple, un homme est cause de l'existence d'un autre homme, non de son essence. Cette essence, en effet, est une vérité éternelle, et c'est pourquoi ces deux hommes peuvent se ressembler sous le rapport de l'essence ; mais ils doivent différer sous le rapport de l'existence, et de là vient que, si l'existence de l'un d'eux est détruite, celle de l'autre ne cessera pas nécessairement. Mais si l'essence de l'un d'eux pouvait être détruite et devenir fausse, l'essence de l'autre périrait en même temps.
En quoi ce genre d' essence(commune! ) peut- il déterminer l'existence singulière ? Je vous le demande.
.......................................................

explorer a écrit :Je ne vois point ici de contradiction avec ce que j'ai dit avant. Vous dites que seule l'idée de l'essence existe, et je vous réponds que si tel était le cas, Spinoza ne se serait pas privé de le dire, or, vous en conviendrez, ce n'est pas ce qu'il dit là :
"Il y a nécessairement en Dieu (par la Propos. précéd.) un concept ou une idée qui exprime l'essence du corps humain, et cette idée, par conséquent, est nécessairement quelque chose qui se rapporte à l'essence de l'âme…"’


les essences! question récurente!!!
Je remplace essence par "ce que c'est que "(réponse à: quid)? Ce qui me permet de désubstantialiser "essence"


Je vous l'ai dit au dessus Spinoza n'est pas d'une cohérence absolue sur essence . Une essence est une vérité éternelle . Soit . L'idée de l'essence ( commune ou singulière et admettons singulière ) devrait avoir un objet.( l'objet de l'idée ).
OÙ SITUEZ VOUS CET OBJET ? Dans quel monde ? Sous quel attribut ?

Je pense que pour Spinoza les vérités éternelles, par exemples les manières de raisonner ( en gros les principes de la logique ), sont des expressions de l'attribut pensée, ce sont des idées. Des idée du genre définitionnel :le triangle c' est ceci cela ,ou A c'est A et pas non A...)

Donc l' idée de l'essence du triangle est une idée éternelle, l'essence singulière de tel triangle est ce qu'est le triangle singulier quand il existe. L' existence de tel homme n'est pas déterminée par l'essence de l' homme( ni commune, ni singulière ) laquelle dans ce cas devrait préexister comme cause. On serait alors dans une causalité par la pensée de Dieu. Une idée serait la cause de l'existence de tel homme.

Que peut bien vouloir dire chez Deleuze "déterminé par une essence singulière "?


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