Drame humain dans une perspective spinoziste

Questions touchant à la mise en pratique de la doctrine éthique de Spinoza : comment résoudre tel problème concret ? comment "parvenir" à la connaissance de notre félicité ? Témoignages de ce qui a été apporté par cette philosophie et difficultés rencontrées.
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Re: Drame humain dans une perspective spinoziste

Messagepar recherche » 19 févr. 2014, 13:04

hokousai a écrit :L' analyse du corps que ce soit celle du concept ou l exploration empirique ) n' apporte rien à la contemplation intuitive de mon corps. Elle la présuppose.

Elle permettrait de faire le tri entre bonnes et mauvaises intuitions quant à ce que nous comprendrions de ce "corps".
(L'idée de se satisfaire de la contemplation intuitive d'un corps ne me dit rien (du tout).)

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hokousai
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Re: Drame humain dans une perspective spinoziste

Messagepar hokousai » 20 févr. 2014, 00:12

à recherche

Là je suis obligé de rectifier techniquement ( c'est à dire en faisant appel à des propositions )

Il ne s' agit pas du tout, mais alors du tout, de se satisfaire de la contemplation d 'un corps.
Il s'agit de contempler les choses comme nécessaires .

Le corps intervient dans le raisonnement de Spinoza comme le lieu où la nécessité apparait .
je ne peux pas ne pas avoir CE corps.( pas un corps en général )
Je ne l'imagine pas tel qu'on imagine les autres corps comme pouvant être passé ou avenir .
Ce corps le mien est présent , je ne me l'imagine pas présent.
Il ne peut pas ne pas être.
Il n'est pas de l'ordre du possible ( contingence ) il est de l'ordre de la nécessité.
( ainsi chez Descartes je n'imagine pas que je pense )
Ce qui est dans la présence ( le corps ) est hors du temps.
Ce n'est pas le temps et sa contingence qui explique la compréhension de sa présence .
la prop 44 partie 2 explique cela ( du point de vue de Spinoza ) Le temps aussi nous l'imaginons. Nous imaginons le temps ne veut pas dire que les chose s 'évanouissent.

Ce n'est que dans la partie 5 prop 29/5
que Spinoza explique que c'est à partir du corps que etc ..
...............................
Où on peut discuter c'est sur le "il est de la nature de la raison "de de concevoir les chose comme nécessaires .

Spinoza mets à égalité la raison et concevoir le corps (prop 29/5)

Où ça se complique un peu c'est que le corps est renvoyé à son essence (qui est éternelle)( prop 22/5)

Ça se complique parce que l'essence chez Spinoza c'est assez difficile à comprendre .
Mais de mon point de vue l'essence est ce qui pose la chose et qui sans la chose.....et c'est la présence de la chose. L' essence' de la chose c'est ce qu'elle est ( si l'on peut dire ) dans sa singularité actuelle, ce n'est pas seulement son existence ( qui elle est conçue dans la durée ).

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Re: Drame humain dans une perspective spinoziste

Messagepar Beaumartin » 20 févr. 2014, 09:14

Bonjour Hokousai,
L'essence poserait la "présence" actuelle, passée ou future, cad l'existence de la chose à un moment donné. Est-ce cela que vous voulez dire ?
Cordialement

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Re: Drame humain dans une perspective spinoziste

Messagepar bardamu » 22 avr. 2014, 16:13

recherche a écrit :Pour ma part, j'aurais tendance à rejoindre une vision plus extrême, rendant la connaissance du 3ème genre tout à fait tributaire de celle du 2nd genre. En effet, je ne vois pas comment acquérir une idée robuste de "Dieu comme cause" (encore une fois, au-delà de l'évocation de ces trois mots assimilable au mieux à une "intime conviction" (ou intuition)) de ce dont nous ignorons les causalités internes et externes.
Dès lors, inutile de préciser (mais tant qu'à faire...) que cette connaissance du 3ème genre me paraît davantage relever d'un idéal que d'autre chose, personne ne pouvant encore prétendre détenir une connaissance du 2nd genre complète et définitive sur quoi que ce soit (à commencer par Spinoza).


Spinoza affirme qu'on détient des connaissances complètes et définitives...
Soit on affirme détenir une vérité, aussi restreinte soit-elle en extension, et alors on affirme détenir une connaissance complète et définitive, soit on nie tout accès à une quelconque vérité et vive le pyrrhonisme.
Et comme souvent on parle de connaissance complète pour évoquer une sorte de connaissance infinie en extension, je préciserais que ni le 2nd ni le 3e genre de connaissance n'ont besoin de cela pour affirmer une vérité.

En fait, pour donner une image, je décrirais les choses ainsi : notre esprit est comme une quantité d'eau agitée en surface par les affections et affects du moment. Plus il a accumulé de vérités et moins l'agitation de surface a d'importance. Le 2nd genre de connaissance est un processus d'accumulation, une manière de creuser les choses, les vérités, ou de creuser son esprit dans les choses, de proche en proche, de se faire un esprit profond, large, un océan de vérités aussi petites, "partielles" soient-elles.
Le 3e genre de connaissance est le rapport immanent entre cet esprit vrai et la pluie d'affections : plus le contenu de vérités est large et profonde, et plus une affection tombera d'emblée dessus, s'y intégrera.
L'esprit de l'ignorant est comme le contenu d'une coupelle plate, agité par la moindre goutte de pluie, se vidant et se remplissant au gré des événements, alors que l'esprit du sage, vaste et profond, est, proportionnellement, à peine modifié par l'événement (bien qu'il le soit autant en valeur absolue).

La connaissance de Dieu, la conscience de la nécessité, la sagesse etc. ne sont pas des idées abstraites détachées de nos contenus de pensée, des propositions indépendantes valant pour elles-mêmes, c'est plutôt le "volume" des vérités de l'esprit, ce qu'il intègre réellement en une unité du monde, une conscience du monde, d'où cette sorte d'appel à l'expérience multiple plutôt que spécialisée, la multiplication des aptitudes permettant une plus grande capacité d'intégration (E5p39) : à un esprit sage correspond un corps apte à beaucoup de choses, c'est-à-dire que développer sa sagesse est un travail permanent d'intégration d'expériences multiples au réservoir de vérités de l'esprit.

La béatitude, le 3e genre de connaissance ne sont pas des idéaux, c'est plutôt la mesure effective, concrète, de notre puissance de penser le monde par rapport aux affects du moment, notre aptitude à "faire monde" : le plus ignorant peut avoir son petit instant de béatitude, un moment où quelque chose tombe dans son esprit en s'y accordant pleinement et le sage ne fait que développer ces aptitudes à s'accorder à de nombreuses choses, à accorder la conscience de soi, de Dieu et des choses.

Et pour revenir à ta question initiale : quand tu parles de "drame humain", tu parles sans doute d'affect tel que tout en nous est chamboulé, qu'on perd l'accord au monde, la stabilité de son propre soi, qu'on est tellement remué qu'on en devient "informe". Cette simple définition suffit à dire que c'est contradictoire avec une joie et la puissance du sage est justement de ne pas subir ces drames, d'avoir un esprit tel que les événements qui affectent douloureusement le commun des mortels ne touchent pas le fond de son accord au monde qui s'est développé au fil du temps : un être cher meurt et on est remué, mais c'est un drame surtout pour ceux n'ayant pas d'autre amour qu'envers cet être, ceux qui ont l'impression qu'on leur prend tout parce qu'ils n'ont rien d'autre. Celui qui aime le ciel, la mer, les oiseaux, les étoiles, les hommes... pleure quand il perd son enfant, mais il lui reste une infinité d'occasions d'aimer : "Il faut que l'herbe pousse et que les enfants meurent " disait Victor Hugo une fois apte à penser la mort de sa fille,
"Maintenant que je puis, assis au bord des ondes,
Emu par ce superbe et tranquille horizon,
Examiner en moi les vérités profondes
Et regarder les fleurs qui sont dans le gazon.
"

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Re: Drame humain dans une perspective spinoziste

Messagepar hokousai » 23 avr. 2014, 00:59

à Beaumartin

Bonjour Hokousai,
L'essence poserait la "présence" actuelle, passée ou future, cad l'existence de la chose à un moment donné. Est-ce cela que vous voulez dire ?
Cordialement

Je ne pense pas que le moment ( donné ) intervienne. Le moment ( l'instant) c'est ce que nous imaginons . Mais nous n' imaginons pas la "présence". Il me semble qu'il y a plus dans "essence" que dans existence. il y a un plus . Un plus qui n'est pas dans un moment donné mais dans la "présence" .
Selon la puissance d'agir la présence est variable.
C'est la variabilité de ce qui peut être contenu (par nous) dans un présent qui me mène à penser cela.
La divisibilté du temps en instants est imaginaire . En revanche pas l 'expansion possible de la présence en vertu de la puissance d'agir.
( je ne soutiens pas qu 'expressément Spinoza le dise ainsi )

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Re: Drame humain dans une perspective spinoziste

Messagepar recherche » 06 mai 2014, 08:51

Bonjour Bardamu,

Merci beaucoup pour ton message.

Le poème des Contemplations que tu cites (vraiment à point) m'avait beaucoup interpellé dans cette tentative d'extraire quelque chose d'une "ontologie hugolienne", depuis des fragments souvent épars mais éclairents (je pense à un texte relativement méconnu je crois intitulé "Le Droit et la Loi").
Le problème me semble rester dans une certaine mesure : certes, reste une infinité d'occasion d'aimer... etc.
Sous ce prisme, il s'agit bien d'une compensation : comment éprouver de la joie à la pensée de tel drame ?
Et si, fait prisonnier à perpétuité, untel se trouvait privé de cette infinité d'occasion d'aimer ?
Le mot "joie" tel que l'emploie Spinoza me paraît devoir être défini comme une sorte de résignation réfléchie.
Décidément, n'aurait-il dû écrire un dictionnaire ?

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Re: Drame humain dans une perspective spinoziste

Messagepar Vanleers » 06 mai 2014, 11:30

A recherche

Pardonnez-moi si mes propos vous paraissent triviaux.
La connaissance du troisième genre, c’est très bien si vos fonctions vitales sont assurées :
Pouvoir respirer (pensons à Deleuze et à ses difficultés respiratoires)
Pouvoir digérer
Pouvoir uriner
Pouvoir déféquer

Si vous ne pouvez pas uriner, c’est une sonde vésicale puis un traitement approprié qui seront indispensables, et pas la connaissance du troisième genre (ni même du second)
On lit dans Les entretiens de Lin Tsi (Fayard 1972) p.71 :

« Lors d’une instruction collective, le maître dit : « Adeptes, il n’y a pas de travail dans le bouddhisme. Le tout est de se tenir dans l’ordinaire et sans affaires : chier et pisser, se vêtir et manger »

D’abord chier et pisser. La connaissance du troisième genre ou la poésie viennent bien après.
Bien à vous


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