Réalité du troisième genre de connaissance ?

Questions touchant à la mise en pratique de la doctrine éthique de Spinoza : comment résoudre tel problème concret ? comment "parvenir" à la connaissance de notre félicité ? Témoignages de ce qui a été apporté par cette philosophie et difficultés rencontrées.
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Messagepar hokousai » 05 avr. 2012, 22:21

cher Henrique

( je n'ai hélas que peu de temps disponible ce soir )


Ainsi peut-on distinguer la cause antérieure et l'effet postérieur sans avoir besoin que l'un cesse d'exister réellement quand l'autre apparaît.


Et bien non, l'autre n' apparait pas . Dans votre co-existence l'autre est là et on ne peut distinguer la cause de l'effet, car la co-existence ne permet pas de distinguer un ordre plutôt qu'un autre . Autrement dit ça peut se lire dans un sens ou l'autre . C'est indéterminé . Le sens de lecture est indéterminé .
Il n' y a de détermination que s'il ya un sens de lecture, une flèche du temps ( dans un sens ou un autre mais l'un à exclusion de l'autre ).
.............

je vous répondrai sur le présent .

amicalement
j luc hks

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Messagepar hokousai » 06 avr. 2012, 01:01

cher Henrique

sur le présent

je pense que Spinoza met sur le même plan passé présent et avenir . L'idée qui est dans la présence ou qui pose la présence est la plus forte et persiste tant qu'une idée plus forte exclue l'existence de la plus faible . Ce ne sont pas des idées claires et distinctes ce sont des affections du corps. Images des choses quoiqu'elles ne reproduisent pas les figures des choses

.Ce sont des affections du corps et Spinoza pousse très loin la theorie puisque la mémoire du corps suffit à ce que l'esprit se représente comme présent des choses qui n'existent pas.
expliquez moi plutôt ce qui lui semblait assez fréquent :contemplez comme présent des choses qui ne'xistent pas....pas le loup sous le lit de Spinoza svp
le corps existe tel que nous le sentons Belle profession de phénoménisme que n'aurait pas désavouée Berkeley .

Donc le présent nous l'imaginons. Ce qui n'est pas de l'imagination c' est l'explication que Spinoza donne.

Ce n'est pas parce que nous imaginons que nous nous trompons. Il manque seulement une idée qui exclue l' existence de ces choses qu'il imagine avoir en sa présence. Donc parfois on se trompe sur ce qui est présent et le plus souvent on ne se trompe pas mais ça n'entame pas la theorie tout ça c' est de l'imagination.

Si nous avions le pouvoir de constituer le présent ce serait estimé comme une vertu surtout si cette faculté qu' a l'esprit d'imaginer était libre ( or elle ne l'est pas )
NOus n'avons pas la liberté d' imaginer le présent et pourtant nous l'imaginons .

C'est ainsi que je comprends, je peux faire erreur et je suis ouvert à toute critique. Bon en plus compris comme ça je suis d'accord avec lui, sinon pas
.............................................................

Donc si une affection qui n'était pas dans le corps de Paul y fait son apparition, la vie de Paul en sera affectée, autrement dit l'âme de Paul percevra le chat, ce qui implique que le corps de Paul existe comme il le sent (E2P13C). Il ne peut pas y avoir ici d'illusion ou de préjugé. Sommes nous ici dans l'imagination ? Non pas encore. C'est si Paul se dit "c'est un chat" ou encore "c'est un chien" qu'il rend présent d'autres affections de son corps dont les objets sont absents, comme les fois où son corps a été affecté au même moment par l'affection visuelle du chat et l'affection auditive du son chat.


Avec la perception visuelle du chat on est dans l'infra de l'imagination. On est même pas encore dans le présent . Et c'est l'idée du du chat présent qui est une imagination. C' est une imagination parce que ce n 'est pas une idée claire et distincte ce n'est pas une connaissance adéquate .( prop 26/2)

Ce à quoi vous accordez le plus de vérité de la présence c'est ce à quoi Spinoza en accorde le moins , c'est la perception sensorielle des choses.
Quand l'esprit humain contemple les choses à travers les idées des affections du corps nous disons qu'il imagine( prop 26/2) .
Que dire quand il contemple sans en avoir d 'idée du tout . Et c'est ce qui se passe quand nous voyons le monde en toute inconscience .
Spinoza n' en dit rien et il a bien raison , on ne peut rien en dire.
Du moins pas en première personne.
Modifié en dernier par hokousai le 08 avr. 2012, 23:15, modifié 1 fois.

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Messagepar hokousai » 06 avr. 2012, 11:42

cher henrique

Je reprends certains points de votre message et qui me font problème.

C'est si Paul se dit "c'est un chat" ou encore "c'est un chien" qu'il rend présent d'autres affections de son corps dont les objets sont absents,

Quand paul perçoit un chat, déjà d'autres affections sont actives. Croyez moi si c'est un chat il reste là, si c 'est un Lion il prend la fuite. Et cela avant toute prise de conscience et avant toute discours intérieur.

Ce n'est qu'au corollaire de la prop. 17 que l'imagination est introduite
Ce corollaire donne lieu à des explications beaucoup plus amples que la démonstration de la proposition .
On a beaucoup de mal a comprendre la dernière phrase de ce corollaire et aussi par la suite que l'esprit de Paul même si Pierre n'existent pas le contemplera en sa présence.
Je veux bien que ce soit une" image" des choses qui ne représente pas la figure des choses . Comment le comprendre ? Est-ce une limage mentale que Paul a de Pierre même si Pierre n'existe pas ? Peut être .
En tout état de causes passé, présent et avenir sont du même registre.

Mais l' image de ce qui est affirmé comme présent est plus forte . Je n'ai jamais prétendu que l'idée la plus forte et qui l emporte sur de plus faibles étaient une fiction. Si la réalité du présent est affirmée c'est qu'elle est plus parfaite que la réalité du passé ou de l'avenir. Mais ces idées des choses extérieures et de notre corps que ce soit dans le passé le present ou l 'avenir ressortent des idées non adéquates ( ce qui ne leur enlève pas de réalité )
...............................

Sur ce que je dis au dessus on pourrait s' entendre .
Mais sur II. Le présent sans l'imagination .

Je vous renvoie à ceci :( les choses )nous les concevons soit en tant qu'elles existent en relation à un temps et à un lieu précis (prop 29/5)
Et il semble bien que dans vos états de conscience "immanente",
vous vous placiez dans le présent. Or le présent est dans le temps . C' est un temps précis et même précisé. Le présent s'indique comme d'une réalité supérieure , mais supérieure à quoi ? Où sont les idées qui permettent aux présent de s'indiquer comme présence ( plus réelle )?
De mon point de vue, elles sont là, comme plus faibles, dans la durée ( quasi bergsonienne ). Sinon pas de présent sur lequel on puisse focaliser, et le passé et l' avenir aurait autant de réalité ,ce qui n'est pas le cas .

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Messagepar Henrique » 07 avr. 2012, 18:26

Cher Jean-Luc,
Pourquoi devrait-il y avoir un "ordre" des causes et un ordre des effets ? Il y a manifestement une seule réalité et donc un seul ordre si tant est que cette notion d'ordre ait un sens puisqu'il n'y a pas de désordre possible du point de vue de la nature. Qu'il y ait une distinction de la cause et de l'effet, oui, mais je peux bien distinguer le bleu clair du bleu foncé en voyant la mer, en les considérant l'un après l'autre, ils n'en sont pas moins co-existants. Et si le bleu peut passer au foncé en partant du clair ou au clair en partant du foncé, il n'y en a pas moins intelligibilité de l'un par rapport à l'autre (en faisant intervenir les causalité environnantes et "co-présentes" autrement dit existant également en acte : état de la lumière, position de l'observateur etc.). Le sens de lecture est alors affaire de convention, de coutume et finalement affaire de complexion propre à celui qui entend.

Sur le présent, il me semble que vous ne tenez pas complètement compte de ce que je vous ai expliqué. Bien sûr, si le présent n'est qu'une division de la durée, c'est une idée inadéquate. Mais on peut définir aussi le présent comme le mode d'existence de ce qui est en acte. Regardez dans l’Éthique l'identité que j'avais déjà soulignée entre ce qui est en acte et ce qui est présent (E2P17), regardez par ailleurs à quoi correspondent les termes "en acte" et "actuel" chez Spinoza et je pense que vous comprendrez ma lecture.

On peut donc distinguer deux usages du mot présent : a) ce qui serait coincé entre le passé qui n'est plus pour nous et l'avenir qui n'est pas encore accessible à notre entendement, c'est l'usage qu'en fait Spinoza dans la dém. d'E5P29 ; b) ce qui existe en acte en vertu de la puissance de Dieu et qui peut être objet d'idée vraie, relevant ainsi de l'éternité, c'est l'usage qu'en fait Spinoza, sauf quand il parle de l'imagination qui traite "comme" présentes des choses qui sont absentes.

D'où le scolie qui suit la prop. 29 : "Nous concevons les choses comme actuelles de deux manières : ou bien en tant que nous les concevons avec une relation à un temps ou un lieu déterminés, ou bien en tant que nous les concevons comme contenues en Dieu et résultant de la nécessité de la nature divine."

Concrètement, si je perçois un chat en tant que simple affection de mon corps, c'est comme une conclusion sans ses prémisses, je ne sais pas pourquoi je perçois cette affection ainsi et pas autrement ; mais si je perçois cette affection de mon corps en tant qu'affection de l'étendue, c'est l'idée de ce chat telle qu'elle est en Dieu que je perçois. Je le conçois, en tant qu'être réel, comme se rapportant à Dieu "en d'autres termes, en tant que par l'essence de Dieu" il enveloppe "l'existence" (E5P30dem).

Par ailleurs, c'est une erreur de voir chez Spinoza un rejet de la sensibilité. L'erreur ne vient pas des sens mais de ce que nous leur faisons dire quand nous y adjoignons l'imagination. Regardez ce que dit le scolie de la prop. 2.35 sur le soleil. Si je dis "le soleil est à 200 pieds" ce présent est celui de l'imagination ; mais si je dis "mon corps est affecté de telle façon qu'il me paraît à 200 pieds" c'est le présent de la raison, autrement dit de l'éternité.

Si vous reprenez l'illustration du scolie 2.8, pour un entendement fini, les rectangles contenus sous les segments de deux droites sont bel et bien présents dans le cercle comme dans l'idée du cercle, et ainsi connus clairement et distinctement, que pourraient-ils être d'autre que présents ? Dans ce cas, et dans le cadre de la géométrie, il y a une affection de l'idée même de mon corps dans laquelle je n'ai pas besoin de l'idée d'un corps extérieur pour en comprendre la nécessité. Si, toujours comme entendement fini, je me souviens plus ou moins clairement de deux autres rectangles égaux que ceux que je viens de déduire avec deux autres droites ont remplacé, je les rends présents à mon entendement par l'imagination, alors qu'ils sont effectivement absents du même entendement du fait que celui-ci passe par l'idée de mon corps. Alors seulement cela devient une idée inadéquate. Mais pour l'entendement infini qui connaît immédiatement tous les rectangles contenus dans le cercle, il n'y a pas d'idée obscure ou confuse, pas d'imagination, mais une infinités de présents.

Ainsi l'idée des affections du corps est à la base des idées adéquates : "L'âme ne se connaît elle-même qu'en tant qu'elle perçoit les idées des affections du corps." (2.23), ce qui signifie qu'en dehors de ces idées, il y a idées inadéquates, mais qu'en restant dans les idées de ces affections, il y a bel et bien idée adéquate du fait qu'alors c'est Dieu même qui se connaît en tant qu'affecté (dém. de 2.23).

J'aurais tendance à dire que nous n'avons pas une connaissance adéquate des corps extérieurs en tant que tels mais nous avons une idée adéquate de la façon dont ils affectent globalement notre corps : si je suis brûlé par une braise que j'ai prise dans la main, je ne connais pas adéquatement la braise, mais je sais sans doute possible que je suis affecté et que cette affection de mon corps vient d'un autre corps. Donc, en percevant ma brûlure, j'ai la connaissance adéquate qu'il s'agit d'une diminution de ma puissance d'exister (en vertu de 2.26) mais quand je "vois" la braise comme cause de ma douleur, en fait je rends présent à mon esprit quelque chose qui en est effectivement absent puisque mon esprit n'est qu'idée de mon corps, en réalité elle ne se le représente pas comme existant en acte (cor. de 2.26).

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Messagepar hokousai » 07 avr. 2012, 19:41

cher Henrique

( reponse un peu rapide, j' y reviendrai)

b) ce qui existe en acte en vertu de la puissance de Dieu et qui peut être objet d'idée vraie, relevant ainsi de l'éternité, c'est l'usage qu'en fait Spinoza, sauf quand il parle de l'imagination qui traite "comme" présentes des choses qui sont absentes.


Ce qui est en acte n'est pas ce qui nous apparait comme présent .
Sinon Dieu "en acte "serait réduit à un état des choses précis.(difficile à préciser d'ailleurs )

Donc, c'est votre thèse , les choses , existent hors du temps dans une coexistence . Dans une coexistence il n'y a pas d'enchaînement, sauf si on introduit un antérieur et un postérieur, ce qui est y réintroduire le temps .
S' il n'y a pas d'enchaînement il n'y a pas de causes et d'effet donc pas de détermination .
Modifié en dernier par hokousai le 08 avr. 2012, 02:27, modifié 1 fois.

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Messagepar Shub-Niggurath » 07 avr. 2012, 21:50

Ce n'est pas parce qu'une chose a existé dans la durée qu'on peut dire que cette chose est éternelle. Ce serait faire la confusion entre l'existence des choses qui suivent nécessairement des attributs de Dieu, comme l'intellect, et l'existence des choses qui suivent de l'existence des choses finies et dont l'existence est déterminée, comme les corps et les esprits, ces derniers en tant qu'ils imaginent les choses. Il y a une différence très nette entre la proposition 21 partie 1 et la proposition 28 partie 1, d'où découlent deux ordres d'existence qui n'ont aucun rapport entre eux. D'après la proposition 21, l'intellect est réellement éternel, sans commencement ni fin, et d'après la proposition 28, les corps sont transitoires, avec un commencement et une fin.

Je ne comprends pas comment on peut soutenir la thèse selon laquelle les choses dont l'existence est déterminée sont éternelles, cela va à l'encontre de ce que dit Spinoza. Dieu produit certaines choses immédiatement, et d'autres qui sont produites par la médiation d'autres choses, elles-mêmes produites par la médiation d'autres choses, et ainsi à l'infini. On pourrait parler d'une production verticale, qui serait celle des attributs eux-mêmes, et d'une production horizontale, qui serait celle des choses singulières les unes par les autres.

Il est bien difficile, je vous l'accorde, de concilier les textes de Spinoza des quatre premières parties de l'Ethique, qui prétendent que toutes les choses singulières sont transitoires, avec les textes de la cinquième partie, qui prétendent que l'intellect est éternel. Il y a là comme une sorte d'aporie dans la pensée de Spinoza, et bien malin celui qui comprendra pourquoi Dieu n'a pas d'intellect, et pourquoi l'ensemble infini des intellects singuliers constitue l'intellect éternel et infini de Dieu.

Ma théorie est que l'intellect de Dieu, créé immédiatement par l'attribut pensant de toute éternité, est constitué d'une infinité d'intellects singuliers, qui sont liés temporairement à l'infinité des modes de chacun des attributs de Dieu, qui sont engendrés les uns par les autres dans la durée. La clef de cette liaison semble être la nécessité de la puissance absolue de Dieu, qui ne peut dissocier son intellect des choses singulières. Si l'intellect n'était pas lié à une chose singulière transitoire, il n'aurait en effet rien à comprendre, et ne serait pas un intellect. C'est sans doute dans le Désir de comprendre qu'il faut donner une raison à cette liaison des intellects éternels avec les choses transitoires qui existent dans la durée.

Cependant Spinoza fait résider le salut dans la liaison de l'intellect avec Dieu, et non avec le corps humain, ce qui le conduit à poser la nécessité de l'amour intellectuel de Dieu comme supérieure à la nécessité de l'amour passionnel des choses singulières.

Désir, Amour, Intelligence, sont donc comme les trois clefs à la fois du salut éternel de l'intellect humain et de sa liaison avec les choses singulières transitoires. Car Dieu sans ses modes ne serait qu'une infinie vacuité, et les modes sans Dieu ne seraient eux aussi qu'une infinité de choses vides.

Dieu, l'intellect de Dieu, et les choses dont il a l'intellection sont donc une seule et même chose, et c'est à cause de ce fait que les intellects singuliers éternels s'unissent constamment à l'infinité des choses singulières transitoires des autres attributs de Dieu.

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Messagepar Henrique » 08 avr. 2012, 01:19

hokousai a écrit : Ce qui ets en acte n'est pas ce qui nous apparait comme présent .
Sinon Dieu "en acte "serait réduit à un état des choses précis.(difficile à préciser d'ailleurs )


Il y a ce qui nous apparaît comme présent ou en acte, par opposition à ce qui ne l'est plus, qui serait accompli, ou qui ne l'est pas encore, qui serait donc en puissance, ce qui impliquerait de la contingence, c'est ce dont Spinoza dit que cela relève de la connaissance inadéquate. Si seule cette actualité existait par rapport à une infinité d'autres, Dieu serait en effet limité.

Mais il y a aussi ce qui, du point de vue de la nature est en acte ou présent, et c'est tout ce qui, de notre point de vue, a existé, existe ou existera. Dans ce cas, Dieu est en acte une infinité d'attributs en une infinité de modes. Il n'y a pas de "ne plus être" en Dieu, pas plus que de "ne pas encore être".
Quant à l'identification de "ce qui est présent" et de "ce qui existe en acte" faut-il que je cite à nouveau E2P17 ? "ut actu existens, vel ut sibi praesens"

Donc, c'est votre thèse , les choses , existent hors du temps dans une coexistence . Dans une coexistence il n'y a pas d'enchaînement, sauf si on introduit un antérieur et un postérieur, ce qui est y réintroduire le temps .
S' il n'y a pas d'enchaînement il n'y a pas de causes et d'effet donc pas de détermination .

Le terme français d'enchaînement suggère le passage d'un avant à un après, avec des chaînons bien distincts. Il sert ordinairement à traduire le latin "concatenatio" que Spinoza emploie et qui suggère au contraire que les choses se tiennent ensemble, qu'elles sont d'un seul tenant. Mais en fait, même une chaîne est aussi d'un seul tenant, ce n'est qu'en la considérant chaînon après chaînon qu'elle peut nous apparaître de l'ordre d'une succession ontologique, mais il suffit de prendre un peu de recul et on voit bien que tous les chaînons doivent coexister d'un seul tenant, dans une même actualité pour pouvoir être une chaîne.

La division réelle de l'existence en avant et en après a une valeur pragmatique mais pas ontologique (cf. lettre 12), de même que pour l'ici et l'ailleurs. La substance est indivisible, c'est pourtant bien connu : E1P13. Pour autant, cela ne signifie pas qu'il n'y a pas de distinction entre des essences comme variations d'une seule et même puissance d'exister. Ces variations se limitent autant qu'elles se soutiennent les unes par rapport aux autres. Cela signifie que si on peut distinguer une certaine quantité de puissance ici, par exemple votre corps, et ailleurs, par exemple votre écran, cette distinction n'est pas une différence réelle, substantielle : c'est la même chose qui existe.

De même encore, si on peut distinguer le moment où vous allumez votre machine et celui où vous l'éteignez selon une logique qui est la même que celle qui constitue la chaîne dont tous les chaînons coexistent, il n'y a pas de différence ou d'opposition ontologique réelle : il n'y a pas vraiment la substance qui a été et celle qui est, mais une seule réalité dont les aspects possibles se fondent les uns dans les autres, une seule lumière dans laquelle l'orange n'est que le passage du rouge au jaune ; passage que l'on peut percevoir dans l'arc en ciel d'un seul tenant et pas dans une temporalité.

Quant à ce qui vous paraît aporétique, Shub-Niggurath, chez Spinoza, on a été plusieurs à vous expliquer en quoi cela venait de votre part d'une projection du platonisme sur Spinoza dans le fil sur E5P40S.

Mais manifestement, c'est encore ce que Hokousai, paraît peu disposé aussi à abandonner pour lire Spinoza. Il est évident que le spinozisme est une philosophie de l'éternité.

Mais on peut distinguer deux formes d'éternalismes : celui de Platon, et à peu près de toute la philosophie occidentale qui considère que seul ce qui nous apparaît comme présent existe dans le monde sensible, ce qui nous paraît passé étant réellement passé, voire dépassé, et ce qui nous apparaît à venir étant réellement encore inaccompli ; tandis que l'éternité serait du côté d'essences séparées de la réalité sensible. Éternalisme signifie alors qu'il y a des réalités éternelles mais qu'elles sont ailleurs que dans l'existence présente et sensible, celle que nous connaissons effectivement. Les philosophies contemporaines de la temporalité, notamment celle de Heidegger et de ses continuateurs, restent sur cette opposition en se contentant de dévaloriser l'éternel par rapport au temporel. Interpréter Spinoza à partir de cette compréhension là de l'éternité, c'est classiquement butter devant un grand nombre de contradiction si on veut tenir compte de l'ensemble de ses textes et pas seulement de quelques passages qui semblent conforter cette approche.

Et il y a l'autre éternalisme que vous semblez avoir tant de mal à intégrer et qui consiste à dire que ce qui ne change pas, c'est cela même qui paraît changer parce que nous n'avons qu'un point de vue partiel sur la réalité. Ce n'est plus le ciel qui est éternel, par opposition à une terre qui serait le lieu de la mort et de la contingence ; il n'y a dans l'éternalisme que je prétends trouver chez Spinoza qu'une seule réalité, un seul monde, une seule nature où tout se tient éternellement et dans laquelle il n'y a qu'affirmation et jamais de négation réelle. Se placer de ce point de vue, au moins quelques heures, c'est voir tomber une à une toutes les difficultés qu'on croit habituellement apercevoir au niveau de la cohérence globale du spinozisme. Et c'est aussi résoudre de nombreuses apories classiques, datant de Zénon d'Élée, sur la nature du temps, du mouvement et de l'infini.

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Messagepar hokousai » 08 avr. 2012, 01:42

à Henrique

Vous me demandez
Pourquoi devrait-il y avoir un "ordre" des causes et un ordre des effets ?

non pas ET mais UN
UN ordre des causes et des effets.
mais je peux bien distinguer le bleu clair du bleu foncé en voyant la mer, en les considérant l'un après l'autre, ils n'en sont pas moins co-existants.
Là vous introduisez non pas le temps mais l'étendue . Ce bleu sera à droite ou à gauche .

Dans l' éternité si vous avez coexistant le début et la fin du film allez savoir ce qui est la cause et l 'effet ?
S'il n'y a pas cause et effet quelle est la relation qui pose la contiguïté des choses dans l'éternité ? Si c'est leur apparition on en revient à la durée ( et à une flèche du temps ).
La coexistence est difficile à concevoir dans le temps encore plus difficile elle l'est dans l"étendue. Car comment avoir dans la même étendue le debut et la fin du film ?
...................................................................

Je vois que je commente en fait cette thèse (Posté le: 05/04/2012 10:05)
Donc, l'éternalisme que je soutiens dit que passé, présent et avenir sont également existants. Le présentisme dit que seul existe réellement le présent, tandis que le passé n'existe plus, est entré dans le néant et que le futur n'existe pas encore, n'est pas encore passé du néant à l'existence.
J' avoue que les objections qui me viennent à l'esprit sont plus puissantes que votre description.
Nonobstant l'effort louable de description de la cause prolongée dans l' effet.

Votre description reste dans la durée.
Vous avez une idée du présent beaucoup plus PUNCTIFORME que votre description le dit . C'est pourquoi vous dites que Dieu est en acte ou présent <b>à tous les moments </b>de l'étendue et de la durée. Il n'y a pas ici pour lui <b>un seul moment </b>ou un seul endroit ; par son infinité, il y en a une infinité mais cette<b> infinité de moments</b> ou de lieux,

Vous pensez un peu le présent comme Bachelard dans l'intuition de linstant « La durée n’est qu’un nombre dont l’unité est l’instant. » Elle est « poussière d’instants, mieux, un groupe de points qu’un phénomène de perspective solidarise plus ou moins étroitement. »

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Messagepar hokousai » 08 avr. 2012, 02:24

Bon je vois que vous m' avez répondu avant moi . Mon message ci- dessus ne tient donc pas compte de votre réponse du 08/04/2012 01:42

J'en était resté à 07/04/2012 18:26.

.............................................................
Cela dit sur votre dernier message

humm! comment dire ... Je n'apprécie pas vraiment ...le ton .
Et pourtant je ne me sens pas du tout visé par ce dit <b>"présentisme "</b>( ?)
Il me semblait pourtant avoir montré une certaine inclination pour l' antiprésentisme , ce au point que vous leviez contre moi une croisade en défense et illustration du PRESENT.

En l'occurence , dans mes derniers messages, ce n'était plus de Spinoza dont je débattais.

cordialement
hokousai

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Messagepar hokousai » 08 avr. 2012, 02:47

cher Shub

Moi je lie l'éternité à la nécessité et pas à la présence donc pas à la coprésence .
Si le présent n' a rien à voir avec l'éternité il est inutile de remplir l'éternité d'une infinité de présents.

Vous pouvez très bien penser que tout ce qui advient au présent est mortel, périssable,n'est de substantiel . Oui mais si cela a existé cela est nécessaire donc cela est éternel.
Il n'y a que la nécessité qui échappe au temps et à la durée , qui soit d'un autre ordre.
Ce qui existe et qui n'existent pas nécessairement par nature ne dépend pas des causes dans la durée mais d'un être qui, lui, existe. ( c'est comme ça que je comprends la fin de la lettre sur l' infini )

Si le néant était nécéssaire il serait éternel .Cela suffirait à le faire exister éternellement . Ce n'est pas le cas.

bien à vous
hokousai


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