|
|
· Accueil · Lire
et comprendre
· Réfléchir
· Téléchargements
· Liens
· Votre
compte
· Messages
privés
· Proposer
article
· Forum
· Rechercher
· Quizz
· Sondages
· Recommander
· Statistiques
· Top
10
· Contact |
|
|
|
COURT TRAITÉ
PARTIE II
CHAPITRE XX
CONFIRMATION DU PRÉCÉDENT.
(1) A l'égard
de ce que nous venons de dire dans le chapitre précédent,
on peut élever les difficultés suivantes :
1° Si le mouvement n'est pas cause des passions, comment
se peut-il faire que l'on chasse la tristesse par certains moyens extérieurs,
comme par exemple par le vin ?
(2) A cela on peut répondre qu'il
faut distinguer entre la perception de l'objet corporel par l'âme,
et le jugement qu'elle porte que cet objet est bon ou mauvais 1.
Si donc l'âme est dans l'état dont nous
venons de parler, nous avons prouvé qu'elle a la puissance de mouvoir
les esprits animaux dans le sens qui lui convient ; mais que cette puissance
peut lui être enlevée lorsque, par d'autres causes, cet équilibre
du corps est détruit ou changé : or, lorsqu'elle a conscience
de ce changement, elle éprouve de la tristesse 2,
en raison du changement que les esprits subissent, laquelle tristesse
est causée par l'amour et par l'union que l'âme a avec le
corps. C'est ce qu'on peut facilement induire de ce fait, que l'on peut
remédier à cette tristesse de deux manières : 1°
par le rétablissement des esprits animaux dans leur premier état,
c'est-à-dire par la délivrance de la peine ; 2° en persuadant
à l'âme par de bonnes raisons de ne plus se préoccuper
du corps. L'un de ces remèdes est purement temporel et sujet à
rechute ; le second est éternel et inaltérable.
2° La seconde objection est celle-ci :
(3) Puisque nous voyons que l'âme,
quoique sans aucune communication avec le corps, peut cependant changer
le cours des esprits animaux, pourquoi ne pourrait-elle pas faire qu’un
corps en repos commençât à se mouvoir ? et par conséquent
pourquoi ne pourrait-elle pas mouvoir, comme elle le voudrait, tous les
corps, ayant déjà un mouvement propre ?
(4) Mais si nous nous souvenons de ce
que nous avons déjà dit de la chose pensante, il nous sera
facile d'écarter cette difficulté. Nous disions en effet
que, quoique la nature ait divers attributs, cependant ces attributs ne
forment qu'un seul et même être 3,
dont ces attributs sont affirmés ; nous avons dit aussi qu’il n'y
a qu'une seule chose pensante dans toute la nature, laquelle s'exprime
en un nombre infini d'idées, répondant à l'infinie
diversité des objets qui sont dans la nature : en effet, le corps
revêtant telle modalité (par exemple, le corps de Pierre)
et ensuite telle autre modalité (par exemple, le corps de Paul),
il s'ensuit qu’il y a dans la chose pensante deux idées différentes,
à savoir : l'idée du corps de Pierre qui forme l'âme
de Pierre, et l'idée du corps de Paul qui forme l'âme de
Paul. Or, la chose pensante peut mouvoir le corps de Pierre par l'idée
du corps de Pierre, mais non pas par l'idée du corps de Paul ;
de même aussi l’âme de Paul ne peut mouvoir que son propre
corps et non pas un autre, par exemple celui de Pierre 4
; et par conséquent elle ne peut pas davantage mouvoir une pierre
quand elle est en repos : car à la pierre correspond à
son tour une autre idée dans l'esprit ; de telle sorte qu'absolument
aucun corps en repos ne peut être mis en mouvement par un mode quelconque
de la pensée.
3° La troisième objection est celle-ci : nous
croyons concevoir clairement que nous pouvons produire le repos dans le
corps ; car, lorsque nous avons pendant assez longtemps mis nos esprits
animaux en mouvement, nous sentons que nous sommes fatigués, ce
qui n'est autre chose que la conscience du repos que nous avons produit
dans les esprits animaux.
(5) A quoi nous répondons : Il
est vrai que l'âme est cause de ce repos ; mais elle n'en est qu'une
cause indirecte, car elle n'introduit pas immédiatement le repos
dans le mouvement, mais seulement par l'intermédiaire d'autres
corps qu'elle a mis en mouvement, et qui nécessairement perdent
alors autant de repos qu’ils en ont communiqué aux esprits. D’où
il suit clairement que, dans la nature, il n'y a qu'une seule et même
espèce de mouvement.
_____________________________
NOTES :
1. C'est-à-dire
entre la connaissance en général, et la connaissance relative
au bien et au mal.
Retour
2. La tristesse dans
l’homme est causée par l’opinion qu'un mal lui arrive, par exemple
la perte d'un bien. Lorsque cette opinion a lieu, elle a pour effet que
les esprits animaux se précipitent à l'entour du cœur, et,
avec l’aide des autres parties, le serrent, l'enveloppent, ce qui est
le contraire de ce qui a lieu dans la joie : or l’âme prend de nouveau
conscience de ce serrement de cœur, et elle en souffre. Que fait donc
la médecine ou le vin en cette circonstance ? ils chassent par
leur action les esprits animaux du cœur, et les dissipent de divers côtés
; et, l’âme en étant avertie, éprouve du soulagement,
c'est-à-dire que la représentation d'un mal est écartée
par cette nouvelle proportion de repos et de mouvement qui est l'effet
du vin, et cède la place à une autre, où l’entendement
trouve plus de satisfaction. Mais ce n'est pas là une action immédiate
du vin sur l'âme ; c'est seulement une action du vin sur les
esprits animaux.
Retour
3. Il n'y a aucune difficulté
à comprendre qu'un mode, quoique infiniment séparé
par sa nature d'un autre mode, puisse agir sur lui : car il ne le fait
qu'en tant que partie du même tout, puisque l'âme n'a jamais
été sans corps, ni le corps sans âme.
En effet, d'après ce qui a été
dit précédemment :
1° Il y a un être parfait.
2° Il ne peut y avoir deux substances.
3° Aucune substance ne peut commencer.
4° Toute substance est infinie en son espèce.
5°. Il doit y avoir un attribut de la pensée.
6°. Rien n'existe dans la nature dont il n'y
ait une idée dans la chose pensante, et cette idée vient
à la fois de l’essence et de l'existence de cette chose.
7° Il résulte de ces propositions les conséquences
suivantes :
8° En tant que sous la désignation d'une
chose on n'entend que l'essence de cette chose sans son existence, l'idée
de l'essence ne peut pas être considérée comme quelque
chose de séparé : mais cela ne peut arriver que lorsque
l'existence est donnée avec l’essence, c'est-à-dire lorsqu’un
objet commence à exister qui n'existait pas auparavant. Par exemple,
lorsque la muraille est blanchie, il n’y a rien là que l’on puisse
appeler ceci ou cela, etc.
9° Maintenant, cette idée, séparée
de toutes les autres, ne peut être qu’une idée de tel ou
tel objet ; mais on ne peut dire qu'elle a elle-même une idée
de cet objet, car une idée de ce genre, n'étant qu'une partie,
ne peut avoir aucun concept clair et distinct d'elle-même et de
son objet ; la chose pensante seule peut avoir un tel concept, parce
qu'elle est toute la nature, tandis qu'une partie séparée
de son tout ne peut rien, etc.
10° Entre l'idée et son objet, il doit y
avoir nécessairement union, parce que l'une ne peut pas exister
sans l’autre : car il n'y a pas un seul objet dont il n'y ait une
idée dans la chose pensante, et, réciproquement, aucune
idée n'existe sans que l’objet existe également. En outre,
l'objet ne peut être changé sans que l'idée soit changée
aussi, et réciproquement ; de sorte qu'il n’est pas besoin d'un
troisième terme qui effectuerait cette union de l’âme et
du corps. Cependant il ne faut pas oublier que nous ne parlons ici que
des idées qui naissent nécessairement de l'existence des
choses, en même temps que de leur essence en Dieu, mais non des
idées que les choses actuelles déterminent en nous ; Il
y a en effet entre ces deux sortes d'idées une grande différence,
car les idées en Dieu naissent non pas, comme en nous, d'un ou
de plusieurs sens qui ne nous affectent que d'une manière imparfaite ;
mais elles naissent de leur essence et de leur existence en soi ;
et quoique mon idée ne soit pas la tienne, c’est une seule et même
idée qui agit sur nous.
Retour
4. Il est clair que dans
l'homme, aussitôt qu’il a commencé à exister, il ne
se rencontre pas d'autres propriétés que celles qui existaient
déjà auparavant dans la nature ; et, comme il se compose
d'un corps dont il doit nécessairement y avoir une idée
dans la chose pensante, et que cette idée doit être nécessairement
unie avec le corps, nous affirmons énergiquement que son âme
n'est autre chose que l'idée de son corps dans la chose pensante.
Maintenant, comme le corps a une certaine proportion de repos et de mouvement,
qui habituellement est modifiée par les objets externes, et qu'aucun
changement ne peut arriver dans le corps sans qu’il s'en produise autant
dans l'idée, c’est là la cause de la sensation. Je dis cependant
: une certaine proportion de repos et de mouvement, parce qu'aucune action
ne peut avoir lieu dans le corps sans que ces deux choses y concourent
Retour
|
|
|